Des logiques aux structures organisationnelles

Des logiques aux structures organisationnelles

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La conjonction des évolutions économiques, technologiques et sociologiques rend l’environnement des organisations de plus en plus complexe. Cela nécessite qu’elles soient capables de faire en même temps (simultanément, et non séquentiellement) plusieurs choses pour partie contradictoires et que, donc, elles quittent leur structure monodimensionnelle pour une structure multidimensionnelle.

Aujourd’hui, il est extrêmement rare de trouver des organisations qui appliquent uniformément la même logique organisationnelle. C’est la raison pour laquelle les structures purement fonctionnelles ou purement divisionnelles sont des exceptions (voir mon billet consacré à ces deux logiques organisationnelles). Plusieurs logiques organisationnelles coexistent en général au sein de la même organisation. Elles ont longtemps été subordonnées les unes aux autres, c’est-à-que chaque niveau hiérarchique était structuré selon une seule et même logique.

Une grande entreprise agro-alimentaire est structurée en pôles : produits frais, eaux, nutrition infantile et nutrition médicale. Le pôle « Produits frais » est subdivisé en zones géographiques (Europe, Moyen-Orient, Amériques et Asie Pacifique), elles-mêmes sous-divisées en pays. Chaque pays est, à son tour, organisé selon une logique fonctionnelle.

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Au moins trois logiques organisationnelles différentes sont présentes dans cette grande entreprise agro-alimentaire : la logique divisionnelle par produits à travers les pôles, la logique divisionnelle géographique pour les zones et les pays, et la logique fonctionnelle au niveau le plus bas. Mais elles sont subordonnées les unes aux autres et chaque niveau hiérarchique est homogène. Au premier niveau de division du travail, sous la direction générale, tous les pôles sont organisés selon la même logique organisationnelle : ce sont tous des divisions par produits. La logique géographique n’apparaît qu’aux deuxième et troisième niveaux de division du travail ; la logique fonctionnelle au dernier.

Des logiques organisationnelles subordonnées les unes aux autres

Dans ce cas de figure, la logique fonctionnelle est subordonnée à la logique divisionnelle géographique, elle-même subordonnée à la logique divisionnelle par produit. Une seule et unique logique organisationnelle caractérise chaque niveau de division du travail. Du coup, on peut continuer à qualifier cette structure organisationnelle de divisionnelle par produits.

Subordonner les logiques organisationnelles les unes aux autres nécessite de pouvoir hiérarchiser les enjeux stratégiques auxquels correspondent chacune d’elles. Et, aujourd’hui, c’est en général là que le bât blesse ! La complexification de leurs environnements met les entreprises face à une série de paradoxes dont les plus fréquents sont :

  • développer des expertises pointues et mettre des produits rapidement sur les marchés ;
  • diminuer les coûts unitaires de production à travers des économies d’échelle et répondre de manière spécifique aux besoins des clients ;
  • développer des produits globaux et adresser des marchés locaux ;
  • etc…

Faire face à ces paradoxes nécessite de suivre simultanément plusieurs orientations stratégiques de même importance, que les entreprises ne peuvent plus hiérarchiser les unes aux autres. Du coup, ces enjeux stratégiques doivent être portés par des logiques organisationnelles différentes présentes dès le niveau hiérarchique le plus élevé qu’il n’est plus possible de subordonner les unes aux autres comme auparavant.

Une entreprise de télécommunications a mis en place deux Business Units, pour ses activités de R&D et de marketing, dans une logique divisionnelle par produits (les produits sont regroupés par technologies : transmission hertzienne (MTA) d’un côté, transmission de données (DAN) de l’autre). Les deux divisions cohabitent avec les activités de production (une direction du manufacturing regroupe les deux usines) et de commercialisation (une même direction regroupe les ventes sur le territoire français (NSO) et les ventes à l’international (ISO)), toutes deux organisées selon une logique fonctionnelle.

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Contrairement au cas de la grande entreprise agro-alimentaire, dans cette entreprise de télécommunications, on trouve plusieurs logiques organisationnelles au premier niveau de division du travail. Les activités de R&D et de marketing sont regroupées dans deux divisions par produits, les deux usines dans une direction du manufacturing dans une logique fonctionnelle, et les activités de ventes dans une direction commerciale, également dans une logique fonctionnelle. Du coup, on ne peut pas recourir à l’une des logiques organisationnelles pour qualifier cette structure.  Elle est ni complétement fonctionnelle ni entièrement divisionnelle. On dira donc qu’elle est hybride.

Des structures hybrides

Les organisations qui adoptent une structure hybride cherchent à maximiser les avantages et à minimiser les inconvénients de différentes logiques organisationnelles. Dans le cas de notre entreprise de télécommunications, les stratégies poursuivies pour les produits de technologie hertzienne et ceux de transmissions de données ne sont pas les mêmes : les enjeux et les avantages concurrentiels recherchés sont différents. C’est la raison pour laquelle elle a opté pour une logique divisionnelle par produits pour organiser ses activités de R&D et de marketing. Ce choix lui permet d’aligner les activités de développement et de marketing sur ses deux principaux segments stratégiques et, ce faisant, de déployer des stratégies de différentiation différentes qui ne viennent pas se « polluer » l’une l’autre.

Par ailleurs, au niveau des activités de développement et de marketing, les économies d’échelle sont faibles. Cela n’est pas le cas au niveau de la production et de la commercialisation. Rester dans une logique divisionnelle par produits pour les activités de production n’aurait pas permis de les réaliser. Du coup, l’entreprise décide de basculer dans une logique fonctionnelle et de créer une seule et unique direction du manufacturing. C’est la même chose pour les activités de ventes : certains clients achètent à la fois des produits de technologie hertzienne et de transmission de données. La logique fonctionnelle, qui réunit l’ensemble des activités commerciales au sein d’une même direction, permet qu’une seule personne vende plusieurs produits aux mêmes clients.

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