Le management n’est pas compliqué, il est…complexe

Le management n’est pas compliqué, il est…complexe

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Un boeing 747, parce qu’il est réductible à l’analyse, est compliqué. En revanche explique de manière pédagogique Hervé Sériex, un plat de spaghetti, parce qu’il est impossible de prédire la quantité qu’on soulèvera en plantant sa fourchette dedans, est complexe. Le management s’apparente moins à un Boeing 747 qu’à un plat de spaghetti.

Compliqué et complexe

Cette différence entre compliqué et complexe est loin de n’être que sémantique. Elle est fondamentale ! Dans un univers compliqué, il y a une vérité. On fait bien ou pas bien, on sait ou on ne sait pas. Il y a une norme, un plan, une référence,…un élément qui fait foi et qui permet de se prononcer sur le vrai et le faux. A condition de s’en donner les moyens, on peut, par l’analyse, prédire et reproduire à l’identique l’action.

L’univers complexe n’est ni prédictible ni reproductible. Il n’y a alors que des réalités, pas de Vérité. L’image de Boring exprime bien le complexe : ceux qui voient une jeune fille et ceux qui voient une vieille dame ont tous raison.

Dans le monde de la complexité, il n’y a pas un modèle unique qui permet de reproduire une action à l’identique, qui autorise la prédiction du futur par extrapolation du passé. Certaines réalités s’y imposent davantage que d’autres, mais plus par des jeux politiques et des rapports de force que par des argumentations complètement rationnelles.

Le management est complexe

Quand un manager prend une décision, explique Pierre Morin, même si cela conduit à un sous-optimum, on ne peut jamais savoir ce qu’aurait produit la décision d’un autre manager à sa place. Pourquoi ? Justement parce qu’il ne l’a pas prise et qu’il ne pourra plus jamais la prendre dans une situation analogue et donc parfaitement comparable. Le manager joue à chaque fois un coup unique. Et, comme le joueur d’échec, poursuit Pierre Morin, il bouge la tour ou le cavalier, mais, une fois jouée, il ne peut plus reprendre sa pièce.

Le manager est au carrefour de pôles en tension : long terme / court terme ; global et abstrait / local et concret ; urgent / important ; top-down / bottom-up ; vertical / horizontal ; stabilité / changement ; contrôle / soutien ; …

Ces tensions, porteuses de contradictions et de paradoxes, expliquent que, en matière de management, il n’y a que des réalités, pas de vérité.

Une pratique, issue d’une expérience, dans un contexte donné

C’est parce que son univers est complexe que le management n’est pas et ne sera jamais une science. Il peut s’appuyer sur des sciences (économie, sociologie, psychologie,…). Les théories, les méthodologies, les outils,… seront au mieux des aides à la décision pour le manager, mais ne lui diront jamais quoi faire avec certitude. Le choix lui appartient et lui appartiendra toujours. C’est d’ailleurs ce qui fait que, contrairement aux fantasmes récurrents entretenus par certains, il n’est remplaçable ni par des règles ni par des systèmes d’information, aussi sophistiqués soient-ils.

Cela conduit Henry Mintzberg à définir le management comme une pratique, issue d’une expérience, dans un contexte donné. En matière de management, le contexte compte au moins autant que l’exercice de la fonction. C’est ce qui explique que le management n’est pas un métier, qu’une même personne peut être un très bon manager dans un contexte donné, et un bien moins bon dans un autre. On en revient au joueur d’échec : le même coup, dans deux parties différentes, c’est deux coups différents.

L’apprentissage managérial

Le manager tirera profit de la connaissance des techniques managériales de base qu’il pourra acquérir relativement indépendamment de son contexte d’action. Mais cet apprentissage trouvera rapidement ses limites.

Il grandira au contact des membres de sa communauté, en enrichissant son expérience de celle de ses pairs. L’expérience des autres est une source d’apprentissage substantielle à condition d’être capable non pas de la dupliquer, mais de la transposer à son contexte d’action.

Enfin, il gagnera à un travail introspectif sur ses propres pratiques qui lui permettra de mettre son expérience en perspective. Pour ce faire, il doit mettre en place des espaces de prise de recul et de ressourcement personnel lui donnant la possibilité de sortir de la spirale de l’action dans laquelle l’entraine le système au quotidien.

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