Le pouvoir statutaire

Le pouvoir statutaire

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Le pouvoir statutaire est attaché à une fonction, indépendamment de la personne qui l’exerce. En théorie, ce pouvoir est distribué selon le principe dit de parité. De quoi s’agit-il ? L’autorité statutaire allouée à une personne doit lui donner la capacité de prendre et/ou de faire prendre les décisions concernant les responsabilités qui lui sont attribuées.

Le principe de parité n’est plus respecté chez les chefs de rayon

Dans une entreprise de la grande distribution, les chefs de rayon sont responsables du compte d’exploitation de leur rayon (du chiffre d’affaires, des frais et du résultat). Ils sont historiquement considérés comme les patrons d’une petite entreprise. Leur marge d’autonomie et d’action est donc théoriquement très importante. Leur métier comporte trois grandes parties. (1) Une partie commerce qui consiste, d’une part à définir une politique commerciale et promotionnelle dans le cadre fixé par la centrale d’achats, et, d’autre part à tenir leur rayon (remplissage, propreté, balisage, affichage,…) dans le respect de la charte de services. (2) Une partie gestion : les chefs de rayon suivent la productivité et la rentabilité de leur rayon par l’intermédiaire de tableaux de bord. (3) Une partie management qui consiste à animer l’équipe sous leur responsabilité, celle-ci pouvant aller de 2 à 23 personnes suivant les rayons.

Depuis quelques années, le métier de chef de rayon se modifie sous l’influence du développement des centrales d’achats. Par exemple, les chefs de rayon n’ont plus vraiment le choix des fournisseurs avec lesquels ils travaillent. Bon nombre d’actions promotionnelles leur sont imposées, si bien que leur marge d’autonomie s’est considérablement réduite. En outre, ils ont de moins en moins besoin de connaître les produits. Pourquoi ? Parce que la centrale propose des assortiments par module (nombre de références), et que, de surcroît, le choix du module est quasiment conditionné par la taille du magasin.

La latitude d’action qui reste aux chefs de rayon se situe ainsi au niveau des quantités commandées, de la répartition des produits dans les linéaires et du choix des sous-rayons à développer. Ici, le principe de parité n’est plus respecté. Du fait du développement des centrales d’achats, les chefs de rayon n’ont plus la possibilité de choisir les fournisseurs avec lesquels ils souhaitent travailler, le type et la durée des promotions,… autant d’éléments qui influencent le chiffre d’affaires et la marge de leur rayon qui pourtant restent de leur responsabilité.

Il y a quatre principales sources formelles de pouvoir

L’autorité statutaire permet d’accéder à des sources formelles de pouvoir qui donnent la possibilité, à celui qui les contrôle, d’exercer une influence. Il y a quatre principales sources formelles de pouvoir : les récompenses, les sanctions, les informations, les moyens financiers et matériels.

Quand les rémunérations sont individualisées, les managers décident au moins pour partie du montant des augmentations individuelles des membres de leur équipe. C’est une source de pouvoir qui leur est donnée par la règle. Leurs collaborateurs dépendent d’eux pour quelque chose qui compte pour eux : leur évolution salariale.

Il en va de même des promotions. Plus les managers sont impliqués dans la gestion de carrière (dans les entretiens annuels, les comités de carrières,…), plus ils ont de pouvoir sur leurs collaborateurs. C’est la même chose pour les sanctions (avertissement disciplinaire, licenciement,…). Plus le manager peut sanctionner ses collaborateurs, plus ces derniers dépendent de lui (par exemple pour garder leur emploi). Dans le langage courant, pour parler de ces deux sources de pouvoir, on parle du bâton et de la carotte. On a d’ailleurs longtemps considéré que manager consistait à savoir manier le bâton et utiliser la carotte.

Le contrôle des moyens

« Notre entreprise doit réduire ses dépenses de fonctionnement. Pour toutes dépenses supérieures à 15 000 euros, dorénavant, une demande doit être faite au contrôleur de gestion. Celui-ci donnera ou ne donnera pas son accord en fonction de la pertinence de la demande » écrit dans une note de service le Directeur Général d’une PME industriel. Ce faisant, il donne du pouvoir au contrôleur de gestion sur les responsables hiérarchiques.

Pour faire un achat d’une valeur supérieur à 15 000 euros, les responsables hiérarchiques dépendent du contrôleur de gestion. Ce dernier contrôle un des moyens financiers. Les responsables hiérarchiques chercheront évidemment à s’affranchir au maximum de cette disposition réglementaire en contournant la règle : pour tout équipement d’une valeur supérieure au plancher, ils présenteront au contrôle de gestion deux demandes inférieures à 15 000 euros correspondant chacune à une partie de l’équipement désiré.

Le manager est un portier

Dans une organisation traditionnelle, l’information « officielle » descend et remonte le long de la ligne hiérarchique. Le manager a un rôle de relais. C’est un portier. L’information passe nécessairement par lui. Il donne à ses collaborateurs les informations dont ils ont besoin pour travailler. Ses collaborateurs dépendent donc de lui. Mettre de la transversalité dans une structure, c’est permettre à des individus appartenant à des unités relevant de directions différentes de travailler ensemble et donc d’échanger des informations.

Les informations possédées par les collaborateurs ne leur sont alors plus forcément fournies par leur manager. Ils ont accès à des informations de plus en plus nombreuses que leur manager peut ne pas posséder. Ce phénomène structurel de partage de l’information est renforcé par le développement des technologies de l’information et de la communication. Avec les intranets, tout le monde bénéficie de la même information. L’information circule plus librement au sein de communautés au moins autant transversales que verticales.

Les managers sont même parfois moins bien équipés que leurs collaborateurs ou savent moins bien utiliser les fonctions de leur matériel. Ils peuvent ainsi avoir moins d’informations que leurs collaborateurs. En outre, on ne s’étonne plus de voir quelqu’un s’adresser par e-mail directement à une personne se situant plusieurs niveaux hiérarchiques au-dessus de lui. Au contraire, se comporter de la sorte est preuve de réactivité et donc de performance. On n’attend plus de la hiérarchie qu’elle joue systématiquement son rôle de filtre, lequel devient plutôt synonyme de rigidité. Ces évolutions organisationnelles et techniques remettent largement en cause une des sources formelles de pouvoir, l’information, traditionnellement aux mains des managers.

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