Les 3 dimensions de la managérialité

Les 3 dimensions de la managérialité

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La « managérialité », objet d’un billet précédent, est le processus par lequel une personne devient manager. Au moment de la naissance d’un premier enfant, soudainement, on devient père ou mère. L’enfant est là, il faut s’en occuper. Mais y est-on prêt ? Combien de temps faut-il pour l’être réellement ? Il y a une différence entre avoir un enfant et être parent.

C’est la même chose en matière de management. On se voit confier des responsabilités managériales du jour au lendemain. Mais, à coup sûr, on ne devient pas immédiatement manager. Surtout dans le contexte actuel.

La dimension culturelle

On ne devient pas manager par décret, pour plagier l’expression célèbre de Michel Crozier sur le changement. La managérialité est un processus de transformation qui débute avant et qui se poursuit longtemps après la nomination. Ce processus comporte trois dimensions. La première est culturelle. Le management ne s’exerce jamais dans l’absolu, toujours au sein d’un contexte fait de plusieurs cultures enchevêtrées les unes aux autres : nationale, de métier, d’entreprise,…

Devenir manager nécessite d’intérioriser un système de valeurs et de croyances, et de se conformer à un ensemble de normes de comportement. Cela, le manager l’apprend avec le temps, même sans en avoir conscience. C’est au moment d’un changement, d’entreprise en particulier, qu’il s’aperçoit que codes et manières d’être diffèrent, et que l’exercice de sa fonction nécessite l’apprentissage de nouvelles pratiques.

La dimension sociale

La deuxième dimension de la managérialité est sociale. Le manager exerce sa fonction au sein d’un réseau de relations : N+1, N-1, pairs, services fonctionnels,… On devient manager aussi, et peut-être avant tout, dans le regard des autres. Là aussi, les coutumes varient, mais le titre, seul, ne fait pas le manager.

Sans un minimum de pouvoir personnel, celui que ses collaborateurs lui reconnaissent, le manager ne peut user du pouvoir institutionnel, celui qui est attaché à sa fonction, celui que l’institution pour laquelle il œuvre lui a délégué. Ce processus de légitimation passe par l’acceptation, toujours plus ou moins explicite, du manager par les parties prenantes à l’exercice de sa fonction. Sans légitimité, point d’autorité. Et sans autorité, pas de manager !

La dimension psychologique

Enfin, la troisième dimension est psychologique. Etre un manager nécessite de posséder certaines ressources intrapsychiques requises par l’exercice de la fonction. Par exemple, pour faire faire, essence du travail de management, le manager doit changer ses habitudes, mais aussi, être au clair avec son ego. Il lui faut accepter qu’un de ses collaborateurs puissent faire mieux que lui, supporter de ne pas être irremplaçable,… Il doit renoncer à sa toute puissance, passer du stade de l’indépendance à celui de l’interdépendance disent les psychologues.

Il y a toujours beaucoup de fausses bonnes raisons de continuer à faire soi-même : « je le ferai plus vite moi-même ; cela sera mieux fait si c’est moi qui le prend en charge ; je suis seul à en être capable ; si je ne le fais pas moi-même, je vais perdre mon pouvoir ; la reconnaissance va m’échapper ; etc. » Un bon manager, dit-on couramment, c’est quelqu’un qui n’hésite pas à recruter des personnes « meilleures » que lui. Cela exige une confiance en soi suffisante pour ne pas se sentir menacé par quelqu’un qui possède des compétences qu’on n’a pas.

2 COMMENTS

  1. Distinctions très intéressantes !

    Il est vrai que le travail du manager se situe la croisée des 3 niveaux que vous dégagez, du plus large (le contexte social) au plus intime (le niveau psychologique), et que le bon équilibre n’est pas évident à trouver !

    On peut d’ailleurs faire le pont avec la distinction des 3 formes de légitimité chez Max Weber pour prolonger la question. Je vous renvoie à notre récent billet : http://www.personnalite.fr/blog/2011/03/25/pourquoi-moi

  2. @ Samuel : Max Weber était un très grand penseur. Ses concepts, notamment, les formes de légitimité, sont encore d’une étonnante actualité pour penser le monde d’aujourd’hui.

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