Les deux caractéristiques de la notion de changement

Les deux caractéristiques de la notion de changement

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En occident au moins, deux grandes caractéristiques sont associées à la notion de changement.

Une rupture déclenchée par un événement

D’une part, nous considérons que le changement est déclenché par un évènement, le plus souvent exogène. Il n’est pas naturel, c’est-à-dire que, quand nous avons le choix, nous lui préférons la stabilité. Si on change, c’est en général pour s’adapter à une évolution de notre environnement. « Ce ne sont pas les espèces les plus fortes qui survivent, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux au changement » proposait déjà en son temps Charles Darwin. Dans une organisation, le changement est déclenché par une évolution réglementaire, un nouvel entrant qui modifie les règles du jeu concurrentiel, une forte décroissance du marché,… ou l’arrivée d’un nouveau dirigeant qui voit le « monde » à travers une paire de lunettes différente de celle de l’ancien.

D’autre part, nous associons le changement à une rupture, au passage d’un état A à un état B (le passage d’une organisation spécialisée à une organisation polyvalente, d’une structure divisionnelle à une structure matricielle,…). L’état A est perçu comme différent de l’état B, le changement appréhendé comme une différence de nature, pas de degré. Il convient alors de mettre en place une démarche de conduite du changement, C, dans la mesure où on ne passe pas naturellement de A en B.

schema40 Des caractéristiques culturelles

Ces deux caractéristiques sont d’ordre culturel et dépassent donc très largement la frontière des organisations. Si vous prenez un manuel de psychologie par exemple, on vous explique que votre enfant passe de la petite à la moyenne enfance, de la grande enfance à la pré adolescence pour, enfin, atteindre l’adolescence. Des caractéristiques morphologiques, fonctionnelles, psychologiques,… sont associées à chacune de ces catégories et permettent de décrire votre bambin en fonction de son âge.

Mais cela est juste une manière parmi d’autres de se représenter son développement. Vous pouvez également considérer que, comme chacun d’entre nous, il vieillit d’un jour à chaque journée qui passe. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » proposait Héraclite 5 siècles avant JC. Mais nous, quand il s’agit de faire « mieux ou plus de la même chose », on parle d’évolution ; on réserve le terme changement au « faire autrement » dirait Paul Watzlawick.

Des avantages, mais aussi des inconvénients

Cette représentation du changement présente de nombreux avantages tellement ancrés en nous qu’on finit par ne plus les voir. Du coup, on a parfois tendance à un peu jeter le bébé avec l’eau du bain. On perçoit mieux ses inconvénients, surtout dans le contexte actuel.

D’abord, la rupture radicale à laquelle nous associons le changement est une vue de l’esprit partiale et partielle dans la mesure où, dans la « vraie vie », il y a toujours un peu de A dans B. Dans tout changement, certains aspects ne changent pas, restent stables. C’est important de ne pas les nier et de clairement les identifier dans la mesure où ils constituent des points d’appui utiles. On ne peut pas tout changer en même temps. On a besoin de garder certains repères qui nous permettent de nous orienter, de ne pas avoir le sentiment d’être “suspendu dans le vide” et, ce faisant, de trouver un axe de transformation autour duquel pivoter.

Fréquence et durée du changement

L’accélération des changements caractérise le contexte de nombre d’organisations. On a changé de tout temps. Ce qui est nouveau, c’est que le changement est plus fréquent qu’avant. On peut alors utilement comparer deux variables : d’une part, la fréquence du changement (F), espace de temps qui sépare deux événements déclenchant un changement et, d’autre part, la durée du changement (D), c’est-à-dire le temps qu’il faut pour passer de A en B. Reconnaître que les changements s’accélèrent revient à dire que F diminue.

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Longtemps, nous nous sommes trouvés dans des situations où F était supérieure à D : des périodes de stabilité, plus ou moins longues, succédaient aux moments de changement. Notre représentation de ce dernier comme une rupture ne posait alors aucun problème pour le conduire. En revanche, quand F devient inférieure à D, comme c’est le cas aujourd’hui dans un nombre croissant de secteurs d’activité, technologiques en particulier, si on continue à penser le changement comme une rupture, on n’a pas terminé un changement qu’il faut en amorcer un autre. Cela explique le sentiment de changement permanent que nous avons parfois. Dans un tel contexte, continuer à appréhender le changement comme une rupture finit par présenter plus d’inconvénients que d’avantages pour accompagner les transformations.

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