Conditions d’exercice du management : les évolutions économiques

Conditions d’exercice du management : les évolutions économiques

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La mondialisation de l’économie n’est plus seulement une idée qui alimente les discours. Elle a de multiples impacts déjà largement tangibles sur le fonctionnement des entreprises. Quelles sont ses principales conséquences sur les conditions d’exercice du management ? Sans prétention à l’exhaustivité, il y en a au moins deux. D’abord, les équipes sont de plus en plus transnationales. Cela pose au premier chef un problème de langue. L’anglais devient la langue officielle de bon nombre de comités de direction qui du même coup deviennent fades et sans saveur. On y traite en effet de moins en moins les véritables problèmes, ceux qui concernent les orientations stratégiques de l’entreprise. Pourquoi ? Parce que comme le disait le grand anthropologue Cl. Lévi-strauss, dans ma langue maternelle je dis ce que je veux, dans une autre langue que la mienne, je dis ce que je peux.

Une problématique d’abord culturelle

Les problèmes posés par l’internationalisation des entreprises ne sont pas que linguistiques, loin s’en faut. Ils sont aussi culturels. « Ce hollandais (ou cet allemand), il n’y a vraiment rien à en tirer ! » Qui n’a pas un jour ou l’autre tenu ou pensé de tels propos ? La collaboration interculturelle est compliquée en grande partie parce que les protagonistes de culture différente ne voient pas le problème qu’ils cherchent à résoudre ensemble à travers la même paire de lunettes. Une telle coopération exige des efforts réciproques de compréhension mutuelle et de respect des différences que nous ne sommes pas toujours prêts à faire.

Seconde conséquence importante de la mondialisation pour les managers : leurs équipes sont de plus en plus éclatées géographiquement. Il n’est maintenant plus rare d’avoir des collaborateurs aux quatre coins de la planète. Le manager devient un « télé-manager ». Le mail, le téléphone, la visioconférence,.. mais aussi la messagerie instantanée, les forums, les wikis,… permettent la délocalisation (on n’a plus besoin d’être au même endroit pour travailler ensemble) et la désynchronisation (on peut coopérer en temps décalé). Les solutions technologiques existent. Mais la technologie ne fait pas tout. Dans une telle configuration, les modes de contrôle sont au moins autant impactés que les modes de communication. Comment contrôler le travail de quelqu’un qu’on ne voit jamais ? Manager à distance, ce n’est pas manager plus ou mieux, c’est manager autrement ! Ce type de management reste pour beaucoup à inventer.

Loin des yeux, loin du coeur !

Certains managers croient, ou plutôt espèrent, que le travail va se transformer tout seul en performance. Ils ne jouent pas vraiment leur rôle. Parfois par manque d’appétence ou de compétences, souvent faute de pouvoir actionner les bons leviers ! Ce sont des adeptes du « laisser faire ». La distance risque d’amplifier ce phénomène. « Loin des yeux, loin du cœur ! » Les managers dont au moins une partie des collaborateurs sont situés géographiquement à un endroit différent du leur feraient bien de méditer ce vieux proverbe de la sagesse populaire.

La mondialisation est doublée d’un accroissement sensible et général de l’intensité concurrentielle. Les domaines non concurrentiels sont de moins en moins nombreux, et ceux qui l’étaient déjà le sont davantage. Qu’est-ce qui nous différencie de nos concurrents ? Quelles sont nos compétences distinctives ? Voilà des questions qui (re)deviennent d’une brûlante actualité pour beaucoup d’entreprises. Les stratèges savent parfaitement qu’intensité concurrentielle et exigence de différenciation sont liées. C’est même le B.A.BA de la stratégie. Plus la concurrence est vigoureuse, plus les entreprises se doivent de trouver leur propre chemin. Voilà pourquoi M.E. Porter, professeur à la célèbre Harvard Business School, annonce le retour de la réflexion stratégique. La stratégie, précise-t-il, ne vise pas à courir plus vite que les autres, mais à courir sa propre course.

La recherche de différenciation trouvent deux traductions concrètes qui influent fortement sur les conditions d’exercice du management. La première concerne la durée de vie des produits. Un axe important de différenciation pour les entreprises vise à renouveler rapidement et régulièrement leur gamme. Proposer le plus fréquemment possible de nouveaux modèles plus performants et conviviaux que ceux des concurrents : voilà un des principaux facteurs clés de succès sur bon nombre de marchés. Quelle répercussion pour les managers ? Une accélération des changements. Là où cette entreprise de meubles développait jadis trois nouveaux produits tous les dix ans, elle développe aujourd’hui dix nouveaux produits tous les trois ans. Ce faisant, le changement n’est plus l’exception. Parce que son rythme ne cesse de s’accélérer, il devient la règle. Les phases de changement sont plus longues que les phases de stabilité.

Le changement : un véritable problème de management

Du coup, les entreprises ne peuvent plus gérer le changement par exception. Il devient un véritable problème de management nécessitant qu’elles y investissent des ressources spécifiques. Avec l’Organisation Scientifique du Travail, les entreprises se sont professionnalisées pour produire. Avec les techniques et les méthodes modernes du marketing et de la publicité, elles se sont professionnalisées pour vendre. Avec les techniques et les méthodes de gestion de projet, elles se sont professionnalisées pour concevoir et développer leurs produits. Aujourd’hui, elles se professionnalisent pour changer. Certaines se dotent de structures dédiées à la gestion du changement. Après les gestionnaires de projet, on voit apparaître ça et là des agents de changement. Ailleurs, la gestion du changement devient explicitement une des missions de la direction des ressources humaines ou de la direction de la communication… ou encore des deux à la fois. D’autres trouvent au contraire qu’une structure dédiée est superflue, voire inutile. Les avis divergent donc. Un point fait cependant l’unanimité : du directeur général à l’agent de maîtrise, les managers sont les acteurs clés du changement. Les entreprises parient largement sur leurs managers pour gérer le changement.

Le changement devient ainsi quelque chose que le manager doit aussi manager. Pour transformer du travail en performance, il faut aussi gérer le changement. Son rôle s’enrichit d’une nouvelle mission. Mais cette évolution a une autre conséquence pour le manager : il n’exerce plus sa fonction dans le même contexte. En effet, « pendant les travaux la vente continue ». S’il manage le changement, il manage aussi dans le changement ! Dans un contexte de changement, les problèmes restent les mêmes, mais leur origine est différente. Par exemple, routine, monotonie, lassitude, sclérose sont à l’origine de bon nombre de problèmes de motivation dans un contexte resté stable de trop nombreuses années. En période de changement, l’origine des problèmes de motivation est plutôt à chercher du côté de l’incertitude, du désordre, du stress, de l’angoisse, du manque de visibilité et de repères,… Ce faisant, les approches psychologiques ré-apparaissent avec force. Un ouvrage à succès ne proclame-t-il pas que le manager est un psy !

Customer first !

Le second axe de différenciation concerne le client. Le client est plus exigeant, informé, volatil et capricieux. Pour mieux satisfaire ses besoins et répondre à ses attentes, les entreprises le font entrer en leur sein et cessent de le considérer simplement comme un élément, même déterminant, de leur environnement. Les commerciaux ne sont plus les seuls à être en relation avec les clients. Les services dits « d’interface », dans lesquels une partie au moins du personnel est en relation directe ou indirecte avec le client, sont de plus en plus nombreux. Ce faisant, un nombre croissant de managers sont redevables d’une performance vis-à-vis d’un client.

Et puis, avec la vogue de la Qualité Totale, le client n’est plus seulement externe. Il est aussi interne. Chaque manager est le fournisseur d’un ou plusieurs clients. Il présentera l’activité du service dont il a la responsabilité en mettant en avant davantage les contributions qu’il fournit à d’autres unités, internes ou externes à l’entreprise, que ce qu’on y fait, c’est-à-dire plus dans une logique de résultat que d’activité.

Du reste, la logique de résultat pénètre beaucoup plus profondément l’entreprise par l’intermédiaire du client que par les système de Direction Par Objectifs (DPO) mis en place dans les années 70. De ce point de vue là, l’insertion du client au sein de l’entreprise n’est pas la seule évolution en cours. Son poids est renforcé par l’exigence accrue de rentabilité à laquelle sont soumises nombre d’entrerpises. Avec la financiarisation de l’économie, évolution parallèle à la mondialisation, les mots d’ordre sont rentabilité des investissements et création de valeur pour l’actionnaire. La création de valeur n’est plus de la seule responsabilité des directeurs de division. Ils n’en ont plus l’apanage. Beaucoup plus bas dans la hiérarchie, il est de plus en plus fréquent que les responsables de service aient leur propre compte de résultats. Tout le monde est logé à la même enseigne. En plus d’avoir des clients pour leur rappeler régulièrement leurs engagements, les managers ont à produire des résultats plus quantifiés donc évaluables et mesurables. On comprend que la pression soit plus importante. Fini le temps du management romantique, selon l’expression de P. Morin. C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’on voit réapparaître de manière plus fructueuse que dans les années 70 les systèmes de management par objectifs sous le vocable moins désuet de management de la performance.

2 COMMENTS

  1. Je tir 1 grand coup de chapeau a Eric de Lavalée. il est tres interessant de savoir qu’il ya des gens petri d’experience et qui prennent du plaisir a la partager avec les autre. ce blog est tres interessant pour les hommes du marketing moi particulierement j’y comprend bcp de chose.

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