Le leadership : une question de fonction ou de personnalité

Le leadership : une question de fonction ou de personnalité

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Nous continuons notre série sur le leadership. Dans un premier billet, nous avons présenté les auteurs, tels Henri Fayol ou Henry Mintzberg, qui appréhendent le leadership comme un des rôles du manager. Dans un deuxième billet, nous avons présenté les travaux dont les auteurs assimilent le leadership à un style de management. Ici, nous présentons ceux qui en font soit une fonction de l’entreprise, soit une question de personnalité.

Le leadership : une fonction de l’entreprise

Pour John Kotter , le leadership et le management sont deux fonctions différentes et complémentaires qui, chacune, ont leurs activités propres. Le management gère la complexité, le leadership, lui, gère le changement. Le management apparaît avec l’émergence des grandes entreprises. Il apporte ordre et cohérence. Au-delà d’une certaine taille et d’un certain degré de complexité, une entreprise a besoin de management pour fonctionner correctement. Le leadership concerne le changement. Au cours des dernières années, cette fonction a pris de l’importance parce que, compte tenu de l’évolution des environnements, le rythme des changements s’est accéléré. Le leadership ne remplace pas le management, il le complète. Pour être performante, une entreprise a besoin que ces deux fonctions soient correctement remplies. Selon J. Kotter cependant, beaucoup d’entreprises sont aujourd’hui sur-managées et sous-dirigées. On y fait trop de management et pas assez de leadership. On gère bien la complexité, moins bien le changement.

Leadership et management sont des fonctions différentes de par leur finalité, mais aussi de par les activités qui les composent. Dans la lignée des travaux de Henri Fayol, John Kotter caractérise la fonction de management par trois grandes catégories d’activités : (1) la planification et la budgetisation qui regroupent des activités telles que la fixation des objectifs, la définition des étapes permettant de les atteindre ou encore la répartition des ressources nécessaires à la réalisation du plan ; (2) l’organisation et l’affectation des personnes, activités dont la finalité consiste à identifier les tâches à réaliser d’une part, à trouver les personnes les plus idoines pour les exécuter d’autre part ; (3) le contrôle et la résolution de problèmes, activités centrées sur la définition de standards de performance, l’analyse des écarts entre le prévu et le réalisé et, le cas échéant, la prise de mesures correctives.

Une fonction composée de trois activités

La fonction de leadership, elle, est constituée de trois autres catégories d’activités : la définition d’une direction, l’alignement des salariés et, enfin, leur motivation. La définition d’une direction crée une vision qui anticipe le devenir à long terme de l’entreprise et formule une stratégie réaliste pour y parvenir. Ce qui fait la valeur d’une direction, précise John Kotter, n’est pas son originalité, mais sa capacité à servir les intérêts des parties prenantes de l’entreprise que sont ses actionnaires, ses clients et ses salariés. L’alignement du personnel derrière la vision concerne la transmission de celle-ci. C’est une démarche de communication. Il s’agit de dire où on va, pourquoi on y va et, ce faisant, de donner envie d’y aller. Enfin, la dernière catégorie d’activités, que John Kotter regroupe sous le vocable de motivation, concerne l’ensemble des activités permettant de mobiliser les énergies pour dépasser les inévitables blocages que suscite le changement, les obstacles à surmonter pour mettre en œuvre la direction retenue.

Les activités de chacune des fonctions sont liées les unes aux autres. En ce qui concerne la fonction de management, les activités de planification visent à fixer les objectifs à atteindre, celles d’organisation consistent à concevoir une structure permettant de les réaliser et les activités de contrôle permettent de repérer et de corriger les défaillances. Concernant la fonction de leadership, la définition d’une direction oriente le mouvement dans la voie appropriée, l’alignement amène le personnel à s’engager dans cette voie et la motivation insuffle l’énergie nécessaire à surmonter les difficultés rencontrées. La différence entre le management et le leadership ne tient donc pas à une question de personnes, mais de finalité et d’activités. Ces activités peuvent être exercées par des personnes différentes ou par les mêmes personnes. Pour John Kotter, il n’y a pas deux catégories de personnes : les managers d’un côté, les leaders de l’autre. Une même personne peut exercer des activités qui relèvent de la fonction de management et, conjointement, en exercer d’autres qui relèvent de la fonction de leadership. L’une des fonctions n’est pas supérieure à l’autre. Elles sont toutes deux nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise.

Le leadership : une question de personnalité

Contrairement à John Kotter, pour Abraham Zaleznik , ce n’est pas le leadership qui diffère du management, mais le leader qui diffère du manager. Le leader a une personnalité très différente de celle du manager. Ces deux personnalités sont exclusives l’une de l’autre.

Le manager vit en harmonie avec son environnement, n’a aucun mal à s’adapter aux évolutions. Pour le leader, au contraire, les choses ne vont pas de soi. Son existence est marquée par une lutte constante pour atteindre un certain sentiment de sérénité qu’il n’atteint d’ailleurs jamais complètement. Le manager est capable de se fondre dans son environnement et, tel un caméléon, sait passer inaperçu. Le leader, lui, provoque des sentiments d’amour ou de haine, mais ne laisse pas indifférent. Il a la sensation d’être profondément « à part ». Le manager a besoin d’ordre et de stabilité, là où le leader est à l’aise dans des univers flous et incertains. Bref, tout les oppose .

Des attitudes différentes, voire opposées

Ces différences de personnalité se traduisent par des attitudes différentes au travail. Pour le manager, les objectifs sont le fruit d’une nécessité plutôt que d’un désir, sont donnés plus que déterminés. Le leader, au contraire, génère les objectifs plutôt qu’il n’y répond. Le manager subit son environnement, le leader le façonne. Le manager facilite les processus, conjugue des points de vues différents, trouve des compromis acceptables pour résoudre des problèmes. Le leader aborde les problèmes anciens d’une manière nouvelle, ouvre la voie à des solutions originales, recherche le risque quitte à parfois se mettre en danger.

Le manager, réfléchi et logique, concentre son attention sur la manière de faire les choses, sur les processus de travail, plus que sur les personnes. Au contraire, le leader, empathique et intuitif, entretient des relations intenses avec les personnes, des relations souvent turbulentes et chaotiques. Le manager a développé son Quotient Intellectuel (QI), le manager son Quotient Emotionnel (QE). Ces différences de personnalité sont telles que, selon Abraham Zaleznik, une personne est soit leader soit manager, mais ne peut pas être les deux à la fois.

3 COMMENTS

  1. Bonjour,
    J’aimerais utiliser la structure de ce blog pour faire un bref résumé de l’évolution des théories du leadership dans mon Travail de Fin d’Études (déclinée sous des grands titres: vision universaliste, situationnel/contingence, transactionnel/transformationnel).
    Avez-vous abordé le leadership dans la même manière dans un livre que je pourrais citer?
    Bien à vous,
    Sylvain

  2. Bonjour Sylvain,
    Merci de l’intérêt que vous portez à mon travail.
    Vous pouvez tout à fait citer le blog dans votre travail de fin d’étude. Cela se fait de plus en plus. Si vous voulez faire référence à un ouvrage, j’ai développé ces idées dans le chapitre que j’ai rédigé sur le leadership dans l’ouvrage “Organisations et comportements” dirigé par Patrick Gilbert, Francis Guérin et Frédérique Pigeyre.

  3. Merci pour votre réponse si rapide,
    Je vais voir directement avec mon promoteur le type de référence qu’il accepte que je cite et ne manquerai pas de vous envoyer une copie du travail (“L’utilisation de la pratique théâtrale en formation comme outil de développement des compétences de leadership: état des lieux, limites et opportunités”).
    Bonne fin de journée!

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