A travers leur impact sur les relations sociales et la satisfaction au travail, le déficit de management et la piètre qualité des pratiques managériales dans les entreprises françaises, produiraient, selon Thomas Philippon, un manque à gagner de l’ordre de plusieurs points de PIB. Pourquoi la culture managériale de nombre d’entreprises françaises est-elle un désavantage concurrentiel sur la scène internationale ? Et comment inverser la situation ?
Une relation managériale à sens unique
Les travaux de Michel Crozier sur le phénomène bureaucratique, ceux de Philippe d’Iribarne sur la logique de l’honneur ou encore ceux de Geert Hofstede sur la distance hiérarchique convergent tous : le poids de la hiérarchie est particulièrement important dans les entreprises françaises.
Du coup, l’une des deux dimensions de la relation managériale (le “report to”) prend largement le pas sur l’autre (“le support from”). Cela se traduit par une relation managériale unijambiste, particulièrement déséquilibrée, et, ce faisant, par des relations de méfiance, voire de défiance, entre managers et collaborateurs.
Des amateurs, pas des professionnels !
Le management n’est pas une science. Et c’est bien ça qui semble chagriner nos esprits cartésiens ! Du coup, non seulement nous sommes peu prolixes dans la production de connaissances (Henri Fayol, décédé depuis près d’un siècle, est quasiment le seul français à avoir véritablement marqué le développement de la pensée managériale), mais, en plus, nous considérons qu’elles s’acquièrent principalement “sur le tas”, chemin faisant. En France, le management, c’est avant tout du GBS (Gros Bon Sens) !
L’expérience est une condition nécessaire, voire indispensable, à l’apprentissage managérial, mais pas suffisante. Le “sink and swim” auquel sont livrés nombre de managers au moment de leur prise de fonction peut produire des dégâts collatéraux extrêmement conséquents.
En matière de développement du management et des managers, nous bricolons, souvent avec des bouts de ficelle. C’est évidemment plus souvent le cas dans les petites et les moyennes entreprises que dans les grandes. Mais, globalement, nous sommes des amateurs, dans une discipline devenue professionnelle depuis plusieurs décennies déjà.
Le meilleur des investissements possibles
Le management est pourtant le meilleur investissement que les entreprises françaises puissent faire pour, d’une part, professionnaliser leurs managers et, d’autre part, s’affranchir du poids de leurs relations hiérarchiques devenu un véritable handicap dans le contexte actuel, synonyme de désavantage compétitif sur la scène internationale.
La formation est un levier, mais pas le seul. Loin s’en faut ! C’est le système de management dans sa globalité qu’il faut faire évoluer, voire révolutionner, et cela ne se fera pas d’un claquement de doigts. Mais, souvenons-nous du constat de Thomas Philippon : il y a là un gisement de compétitivité conséquent pour nombre d’entreprises françaises plus facilement exploitable que d’autres. Le jeu en vaut la chandelle !
Certains le font, c’est donc possible !
Ces temps-ci, notamment sous la plume de Gary Hamel et y compris sur ce blog, on parle beaucoup des modèles managériaux de Google, Whole Food, W.L. Gore, Morning Star, Semco ou encore HCL Technologies : des entreprises américaines, brésiliennes ou indiennes qui ont innové en faisant radicalement évoluer leur système de management. Des entreprises qui ont positionné le management au coeur de leur avantage concurrentiel.
Mais des initiatives similaires existent en France dans des entreprises comme Favy, Groupe Hervé,… Toujours les mêmes exemples, me direz-vous ! Et vous avez raison ! Les cas français sont encore trop rares et reposent tous sur la conviction d’entrepreneurs “exotiques” pour le reste de la classe dirigeante de notre pays. Mais nous avons aussi nos poissons pilotes, venus plutôt du monde de la moyenne entreprise, dont les grandes pourraient judicieusement s’inspirer.
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