Management : back to basics !

Management : back to basics !

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Les bibliothèques sont pleines d’ouvrages sur le management, un mot polysémique. La semaine dernière, j’ai débuté une session de formation en demandant à mes stagiaires de me donner leur propre définition du terme management : comme d’habitude, j’ai obtenu autant de définitions que de participants. Et l’un d’eux de m’interpeller : “Et vous Monsieur, votre définition ?” Après un moment de réflexion, j’ai répondu que, à mon sens, la notion de management présentait trois caractéristiques fondamentales.

Responsable d’une performance en grande partie produite par d’autres

Le manager est responsable d’une performance collective produite en grande partie par d’autres personnes que lui, ses collaborateurs. Cela le différencie fondamentalement du “doer” dont la performance ne dépend que de lui. C’est d’ailleurs au nom de cette caractéristique qu’on lui alloue une autorité statutaire selon le principe dit de la parité : l’autorité déléguée au manager doit lui permettre de prendre ou de faire prendre les décisions concernant les responsabilités qu’on lui a attribuées.

Cela permet également de comprendre pourquoi le manager est nécessairement dans une situation de forte dépendance : sa performance, celle dont il est redevable, dépend avant tout de la qualité du travail de ses collaborateurs. La situation managériale est par définition anxiogène. La réticence de nombre de managers à déléguer doit se comprendre d’abord comme un moyen de réduire leur dépendance et, ce faisant, leur anxiété.

Les deux dimensions de la relation managériale

Manager, c’est donc transformer le travail de ses collaborateurs en performance. Mais cela ne dit que la moitié des choses. Le mot management a probablement la même racine latine que ménagement, mot français du XVI ème siècle, dérivé de ménager qui signifie manœuvrer et conduire avec soi. Comme l’indique son étymologie et son usage ancien, manager a le double sens de : (1) tenir en main (avec maîtrise et contrôle) ; (2) prendre soin (dans la maintenance et le développement).

Cela m’a conduit à considérer que la relation managériale comportait une double dimension que j’ai nommée, dans plusieurs billets précédents, “report to” et “support from”. L’institution délègue une autorité au manager. Cette dernière lui donne les moyens d’exercer un pouvoir sur ses collaborateurs. C’est une énorme responsabilité. Il ne peut pas faire n’importe quoi avec eux. Il doit en prendre soin, ne pas les « abimer », mais aussi les aider à “grandir”.

Et cela ne date pas de l’apparition de l’expression “manager coach” du début des années 2000, ni même de l’école dite des relations humaines issue, entre autres, de la fameuse expérience de Hawthorne. Cette seconde dimension est présente dès l’origine ; elle est même consubstantielle à la notion de management.

La double appartenance du manager

Enfin, troisième caractéristique fondamentale, le manager appartient à deux pyramides hiérarchiques. Il est manager, mais aussi managé. Cette double appartenance est au cœur de la difficulté de l’exercice de sa fonction. Elle le met au carrefour de pôles en tension, de contradictions voire de paradoxes, et il ne peut pas choisir son camp.

Mais cette double appartenance est également au cœur de sa latitude d’action et de son pouvoir. L’autorité statutaire qu’on lui délègue est la plupart du temps insuffisante pour manager. On le somme alors de développer son pouvoir personnel, ce que l’on appelle maintenant couramment son leadership. Il le fait avec plus ou moins de bonheur.

Mais son véritable pouvoir est de nature organisationnelle, lié à la maîtrise de zones d’incertitude qui mettent les parties prenantes à l’exercice de sa fonction en situation de relative dépendance à son égard. Cette double appartenance fait du manager ce que Michel Crozier et Erhard Friedberg ont appelé un marginal sécant, c’est-à-dire quelqu’un qui a un pied dans deux mondes différents qui ne communiquent que par son intermédiaire.

2 COMMENTS

  1. Rendons à César ce qui appartient à Karpik. Ce ne sont pas Crozier et Friedberg qui ont inventé le concept de “marginal sécant”, mais un sociologue de l’Ecole des Mines, Lucien Karpik. Il ne désignait d’ailleurs pas le fait que le manager articule le niveau supérieur avec le niveau inférieur, ce qui est banal. Il caractérisait ainsi ceux qui, appartenant à deux ou plusieurs mondes, sont en situation d’être des agents de changement.

    • Bonjour Sirius,

      Je tombe par hasard sur ton commentaire.
      Je cherche des informations sur Lucien Karpik et le marginal sécant car je fais un mémoire sur le sujet.
      Je trouve beaucoup d’information sur Crozier et Friedberg.
      Avez-vous des références pour Karpik ?

      D’avance, je vous remercie pour l’attention que vous porterez à ma demande.
      Merci !

      Nadia

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