L’évolution des environnements économiques, technologiques, réglementaires et sociologiques se traduit par plus de complexité dans et pour les organisations. L’autonomie et la coopération, à travers des logiques organisationnelles dites “organiques” c’est-à-dire permettant des reconfigurations selon les circonstances et en fonction des besoins, sont les moyens les plus féconds de faire face à l’incertitude et à l’inédit.
Pourquoi ? Parce que l’intelligence humaine, tant pour apporter des réponses à des problèmes imprévisibles que pour réguler des systèmes par définition non linéaires, est la seule solution qui résiste à l’épreuve de la complexité.
Les deux faces de l’autonomie
Dans une organisation quelle qu’elle soit, notamment en raison des forces centrifuges de la division du travail, les intérêts de ses membres sont pour partie divergents.
Du coup, le développement de l’autonomie, au-delà des marges de liberté que chacun retrouve nécessairement quel que soit le degré de formalisation et de contrainte du système, a un coût, voire un surcoût, lié à la manière dont les individus tirent profit de leur latitude d’action. Il en va de même de la mise en œuvre de la coopération, résultant nécessairement de multiples confrontations de points de vue pas seulement convergents.
Or, ce surcoût n’est pas (ou plus) toujours compatible avec les contraintes de profitabilité et de productivité qui s’imposent aux entreprises dans un monde global où la compétition est plus intense et où la finance tient une place plus importante.
Standardisation : le retour du refoulé
Ces exigences économiques nécessitent que les entreprises remettent leur organisation sous contrôle. Elles le font, comme jadis (nouvelle confirmation que, bien souvent, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ! ), en standardisant :
- les manières de faire, notamment à travers la formalisation de processus transverses à leur structure traditionnellement hiérarchique et verticale ;
- mais également les résultats attendus, ce qui se traduit par des instruments de mesure plus précis (les fameux KPIs – Key Performance Indicators) et des obligations de reporting renforcées.
Les mots d’ordre sont donc standardisation des procédés et des résultats, le tout orchestré par les technologies de l’information, les PGI (Progiciels de Gestion Intégrés).
L’expression d’un paradoxe
Résultat ? Les entreprises doivent faire deux choses contradictoires en même temps : développer l’autonomie et la coopération pour faire face à la complexité d’une part, renforcer le contrôle et l’intégration pour générer plus d’efficience dans l’utilisation de leurs ressources d’autre part. Il s’agit là de l’expression d’un véritable paradoxe, c’est-à-dire d’une proposition qui contient en elle-même une contradiction logique.
Des solutions locales, pas globales
Qui est au cœur de ce paradoxe ? Le manager, pour lequel du reste ce paradoxe en génère d’autres. Par exemple, on lui reproche fréquemment d’être à la fois trop proche de ses équipes, trop perméable aux états d’âme de ses collaborateurs, et en même temps pas assez à l’écoute de leurs attentes.
Mais lui seul, par son « intelligence situationnelle » et sa « créativité contextualisée », est en mesure de concilier et de rendre compatibles ces réalités contradictoires. Les solutions aux paradoxes organisationnels, quand elles existent, sont locales, pas globales.
C’est la raison pour laquelle, le manager (dit de proximité) en est nécessairement l’acteur principal ; cela explique également pourquoi il joue un rôle déterminant dans les organisations d’aujourd’hui. Mais c’est en même temps une des explications au fait que ce rôle est si difficile à tenir.