Les réseaux plutôt que la hiérarchie : le cas de Spotify

Les réseaux plutôt que la hiérarchie : le cas de Spotify

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L’organisation cellulaire est appréhendée davantage comme un organisme vivant que comme une machine. Dix principes, présentés dans un billet précédent, permettent de la caractériser. « Les réseaux plutôt que la hiérarchie » en est le troisième. Il est parfaitement illustré par l’organisation de Spotify.

Se développer sans perdre son agilité

Spotify est un service de streaming musical dont le siège est basé à Stockholm en Suède. L’entreprise a été créée en 2008 par Daniel Ek et Martin Lorentzon.

En 2019, Spotify a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 6,5 milliards de dollars, avec un catalogue de près de 30 millions de titres musicaux et pas moins de 191 millions d’utilisateurs dont 87 millions d’abonnés payants.

L’environnement concurrentiel du streaming musical est en mutation permanente. Il nécessite une innovation continue. Pour s’implanter, Spotify a dû faire face à des concurrents d’une puissance incomparable à la sienne. Ainsi, quand Apple a lancé son service de streaming, l’inventeur de l’Iphone a atteint 10 millions d’abonnés en six mois là où il avait fallu six ans à Spotify. Comment faire face à une telle concurrence ? En trouvant le moyen de se développer tout en restant agile.

Henrik Kniberg, coach agile travaillant également pour l’entreprise Lego, et Anders Ivarsson, coach agile chez Spotify, ont conçu et déployé un modèle organisationnel original, largement commenté depuis 2012, qui a permis à l’entreprise d’assurer sa croissance pour atteindre une taille significative (plus de 4 000 salariés en 2019 répartis dans 18 pays à travers le monde) sans perdre l’agilité de la start-up qu’elle était à ses débuts.

Cette organisation, qui concerne environ 60% des salariés de Spotify (les entités commerciales et les fonctions support ne sont pas concernées), est composée de quatre éléments :

  • Les unités organisationnelles de base sont des Squads, des équipes multidisciplinaires autonomes centrées chacune sur un objet spécifique et bien défini ;
  • Des Tribes regroupent verticalement les Squads qui concourent à produire un même résultat ;
  • Des Chapters regroupent horizontalement les membres des Squads d’une même Tribe qui partagent un même domaine de compétences ;
  • Enfin, des Guilds regroupent horizontalement les membres des Squads qui ont un centre d’intérêt commun et leur offrent la possibilité d’échanger et de partager leurs pratiques.

Les squads

Les squads, les plus petites unités organisationnelles du modèle de Spotify, sont des équipes multifonctionnelles auto-organisées de petite taille (entre 6 et 12 personnes). Une squad est centrée sur un objet spécifique et bien défini. Elle développe, teste et déploie des solutions de manière autonome. Elle gère un projet sur le long terme, le plus souvent entre 6 et 24 mois.

Il existe trois types de squads. Les premières sont centrées sur une fonctionnalité, les deuxièmes sur une application client et les dernières sur l’infrastructure. Les squads « fonctionnalités » sont, par exemple, chargées de développer le moteur de recherche ou de recommandation. Les squads « applications » sont spécialisées dans une des plateformes Web, Mobile ou Desktop. Les squads « architecture », quant à elles, développent les outils et méthodes nécessaires aux deux premières catégories.

Les squads ont adopté la méthode agile dite Scrum. L’équipe pluridisciplinaire est animée par un Scrum Master sans autorité hiérarchique sur ses coéquipiers. Par ailleurs, un Product Owner, représentant du « client » de l’équipe, fixe à cette dernière des objectifs en termes de livrables et de délais. Entre le Product Owner et le Scrum Master, il y a à peu près la même différence qu’entre la maîtrise d’ouvrage (qui détermine ce qu’il faut faire) et la maîtrise d’œuvre (qui définit la manière de faire et s’assure de la réalisation) en matière de gestion de projet.

L’objectif de l’entreprise suédoise est de rendre les squads le plus autonomes possible, de les envisager comme des start-ups à part entière. Il arrive cependant que certaines d’entre-elles soient interdépendantes pour atteindre un objectif qui les dépasse. Dans ce cas, une réunion quotidienne permet d’examiner chacune des interdépendances et de débloquer les situations qui le nécessitent de manière à ce qu’une squad ne ralentisse pas trop les autres.

Spotify a mis en place un processus de management de la performance lui aussi assez original. Chaque salarié bénéficie d’un large feedback de ses collègues aussi souvent qu’il le souhaite.

Les tribes et les chapters

Les squads sont regroupées en tribes en fonction de la nature de leur projet. Les tribes sont des ensembles de 5 à 8 squads qui travaillent sur une même thématique. Chaque tribe a ainsi son propre champ d’action : expérience utilisateur, application, infrastructure…

Une tribe ne dépasse jamais 130 salariés de manière à ce que, en son sein, chacun se connaisse personnellement et que l’information circule facilement, rapidement et en toute transparence. Lorsqu’une tribe devient trop importante, elle est scindée en deux. Au fur et à mesure du développement de l’entreprise, le nombre de tribes augmente, mais leur organisation demeure inchangée.

Les squads sont multifonctionnelles. Par conséquent, on trouve des compétences équivalentes dans différentes squads. Au sein d’une tribe, des chapters sont constitués de personnes appartenant à des squads différentes mais ayant les mêmes compétences ou remplissant la même fonction. En plus de permettre des économies d’échelle et des mutualisations de moyens, les chapters favorisent la mobilité entre les squads d’une même tribe.

Chaque chapter est animé par un coach. Son rôle consiste, d’une part, à aider les membres du chapter à progresser et, d’autre part, à favoriser le partage et la capitalisation de leurs bonnes pratiques. Les membres d’un même chapter se retrouvent une heure par semaine pour échanger autour des problèmes qu’ils rencontrent dans leur domaine d’expertise et pour partager leurs expériences.

Chaque tribe est animée par un leader, le tribe leader. Il s’agit plus d’un facilitateur, d’un coordinateur et d’un régulateur que d’un manager à proprement parler. Il n’a d’autorité hiérarchique ni sur les Product Owners ni sur les coachs des chapters. C’est d’abord et avant tout une ressource pour les squads et les chapters hébergés par la tribe. A cet égard, pour qualifier le rôle de la tribe, l’entreprise de Stockholm prend l’image de l’incubateur qui met à disposition des moyens et facilite le fonctionnement des start-ups qu’il héberge. De cette manière, la tribe devient un tout supérieur à la somme de ses parties, les squads et les chapters.

Les guilds

De manière à éviter le cloisonnement des tribes, Spotify a créé des guilds. Ce sont des groupes de salariés appartenant à des tribes différentes qui veulent échanger leurs connaissances, outils et/ou pratiques. Les guilds réunissent des personnes partageant les mêmes centres d’intérêt. On trouve des guilds professionnelles, telles celles des codeurs IOS ou des spécialistes Java, mais aussi des guilds regroupant des personnes autour d’une même passion (photographie, sport…).

Les guilds organisent des conférences sur les sujets qui intéressent leurs membres. Elles peuvent aussi tenir une newsletter hebdomadaire. Chacun est libre de créer, rejoindre ou quitter une guild à tout moment.

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