Autonomie : du management à l’organisation

Autonomie : du management à l’organisation

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On The Wings Of Freedom - Birds Flying And Broken Chains

Au sein d’une pyramide hiérarchique classique, c’est le manager qui décide d’octroyer plus ou moins d’autonomie à ses collaborateurs. L’autonomie relève d’une décision managériale.

Dans une équipe auto-organisée, comme son nom l’indique, l’autonomie devient une question d’organisation. Et ça change beaucoup de choses !

Il n’y a pas d’organisation sans autonomie

Les sociologues ont montré de longue date que, contrairement aux fantasmes tayloriens, une organisation ne peut fonctionner sans autonomie.

Les règles ont besoin d’être interprétées pour pouvoir être judicieusement mises en œuvre. Les douaniers savent que la meilleure manière de bloquer une organisation n’est pas d’arrêter de travailler, mais d’appliquer les règles à la lettre. C’est la grève du zèle.

Dans une bureaucratie dont l’ambition est d’éradiquer toute forme d’autonomie (voir mon billet sur le sujet), les exécutants, grâce à leur stratégie d’action, reconstituent cependant toujours des poches officieuses d’autonomie. Le plus souvent, non seulement leurs managers ne sont pas dupes, mais les laissent faire parce que, contrairement à ce que véhicule l’idéologie officielle, ils savent parfaitement qu’il ne peut en être autrement pour que l’organisation fonctionne dans la « vraie vie ».

Une décision managériale

L’organisation pyramidale est fondée sur l’idée de délégation (voir mon billet sur le sujet). En son sein, l’autonomie relève du libre arbitre des managers. Ces derniers octroient une autonomie plus ou moins importante à leurs collaborateurs en fonction de ce qu’ils : (1) trouvent souhaitable ; (2) se sentent capables de faire ; (3) peuvent faire compte tenu des exigences qui s’imposent à eux et des contraintes avec lesquelles ils doivent composer.

Cette autonomie, à géométrie variable, n’est pas engrammée dans l’organisation. Elle relève d’une décision managériale. Selon le processus de la délégation, les managers choisissent d’autoriser un ou plusieurs de leurs collaborateurs à agir en leur nom. Ils se dessaisissent volontairement d’une partie de leur autorité, car ils font le pari que le résultat final, dont ils restent redevables, s’en trouvera amélioré.

Un problème d’organisation…

Dans les modèles organisationnels classiques, l’autonomie est ainsi soit officieuse (modèle bureaucratique) soit laissée à la discrétion des managers (modèle pyramidal). L’organisation est dans les mains d’experts qui la conçoivent pour le compte d’exécutants qui, eux, la mettent en œuvre. C’est la fameuse dichotomie taylorienne entre ceux qui pensent et ceux qui font.

Dans une équipe auto-organisée, on part du principe que seuls les individus peuvent résoudre des problèmes complexes. Les règles, les procédures, les modes opératoires… sont utiles tant que les problèmes à résoudre sont prévisibles et les solutions pour les résoudre formalisables. Quand cela n’est pas le cas, il n’y a pas d’autres moyens que d’octroyer de l’autonomie aux exécutants en considérant qu’ils sont les mieux placés pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés.

L’autonomie n’est plus une possibilité, mais une règle : la meilleure ou la moins mauvaise manière de faire face à la complexité. Dès lors, elle ne résulte plus d’une décision managériale, mais est engrammée dans l’organisation. Au sein d’une équipe auto-organisée (voir mon billet sur le sujet), l’autorité n’est plus distribuée asymétriquement, mais partagée. Les décisions sont prises à parité.

… mais seulement sur les questions d’organisation

Quelles décisions les membres d’une équipe auto-organisée peuvent-ils prendre à parité ? Il peut être extrêmement préjudiciable de confondre auto-organisation et auto-gestion.

En matière d’auto-organisation, les membres de l’équipe prennent à parité et en toute autonomie seulement les décisions qui concernent leur propre organisation. En fonction des circonstances, les co-équipiers décident de (1) la définition et l’agencement des activités de l’équipe ; (2) leur affectation et donc le rôle de chacun d’eux ; (3) l’allocation et la gestion des ressources de l’équipe.

Même si elle peut/doit être force de proposition en la matière, l’équipe ne décide ni de ses objectifs ni des ressources dont elle dispose pour les atteindre. L’autonomie de l’équipe s’arrête aux frontières de l’organisation. Au-delà, il ne s’agit plus d’auto-organisation, mais d’auto-gestion.

3 COMMENTS

  1. Qu’est ce que j’aime cet article!
    J’ai travaille dans plusieurs contexte avec des paradigme de gestion différents. Aujourd’hui, je suis dans une organisation autogérée et quel univers!
    Ce que j’aime dans l’article, c’est la manière dont vous parlez de ce “chemin” que j’ai vécu pour arriver dans l’auto-gestion.

    Merci!

  2. Merci pour cet article très intéressant !
    Intéressante également cette distinction faite entre auto-organisation et auto-gestion dans le milieu de l’entreprise. Certains métiers, notamment ceux de la finance et de la banque d’investissement, ont un modèle pyramidal très marqué et présentent donc des organisations très définies où le niveau d’auto-organisation est progressif en fonction des grades. C’est à partir du niveau de VP/directeur que ces considérations sont alors possibles.

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