L’environnement du manager est de plus en plus incertain. L’affirmer est devenu un lieu commun. Les causes ? A la fois le manque d’informations lié aux turbulences, à l’instabilité, à l’élargissement du jeu concurrentiel,… et, en même temps, l’incapacité à prendre en considération de manière exhaustive l’ensemble de celles qui lui parviennent.
Cet environnement incertain complique la tâche du manager et, en même temps, accroît sa latitude d’action. Alors, l’incertitude, contrainte ou opportunité pour le manager ? La réponse à cette question se situe, me semble-t-il, dans la posture qu’il adopte.
Une contrainte, d’abord !
L’incertitude est une contrainte pour le manager quand son environnement est compliqué (j’ai précisé la différence entre compliqué et complexe dans un billet précédent). Dans le monde du compliqué, réductible à l’analyse, il y a une vérité aussi bien sur ce qu’il faut faire que sur la manière de le faire.
Toute incertitude est donc un obstacle pour le manager dans sa quête de maîtrise et de contrôle du réel. Il les surmontera en cherchant à augmenter ses capacités à accéder et à traiter l’information. Cependant, Herbert Simon a, en son temps, bien montré que la rationalité du manager n’étant que « limitée », il se contentait de solutions seulement satisfaisantes et non optimales, contrairement à ce que suggéraient jusqu’alors les micro-économistes.
Une opportunité, ensuite !
L’incertitude peut devenir une opportunité quand son environnement est non plus comme compliqué, mais complexe. Dans le monde de la complexité, non réductible à l’analyse, on fait le deuil du contrôle et de la maîtrise absolue du réel et, du coup, une distinction entre réel et réalité s’impose. Notre réalité est la partie du réel à laquelle on accède à partir de nos représentations et intentions. Ces dernières étant différentes d’un individu à l’autre, dans le monde de la complexité, il n’y a pas une réalité, mais des réalités.
Dans un univers complexe, l’incertitude est telle qu’elle offre au manager l’opportunité de construire sa propre réalité à partir de la manière dont il accède au réel. Cela accroît ainsi considérablement sa capacité d’action à condition qu’il soit capable de construire un contexte suffisamment structurant pour les différentes parties prenantes à sa fonction.
Ne pas se tromper de paires de lunettes
Le pire pour le manager consiste à adopter la mauvaise posture. S’il appréhende une situation complexe de manière compliquée, il risque de chercher à maîtriser quelque chose qui ne l’est pas et, du coup, de passer à côté d l’essentiel, et de finir par s’épuiser. Si, au contraire, il appréhende une situation compliquée de manière complexe, il risque de renoncer trop tôt à l’analyse, de prendre une décision moins aboutie que celle qu’il aurait pu prendre en poussant plus loin son investigation.
Une des compétences clés du manager réside ainsi dans sa capacité à faire preuve de sagacité et de clairvoyance dans l’analyse de son contexte d’action : repérer les situations compliquées, les situations complexes et adopter la posture idoine pour chacune d’elles. En sachant que, en général, compte tenu de la culture dans laquelle il baigne et de son éducation, il est mieux armé pour faire face au compliqué qu’au complexe.
La problématique que vous décrivez est d’autant plus prégnante que le temps est accaparé par le court terme au détriment de la construction de la vision stratégique. En période de mutation, où la vision devient un avantage concurrentiel, la question à laquelle il faut répondre est comment construire cette vision sans y consacrer de temps ou presque !
Si le sujet vous intéresse, j’ai commis un article récemment sur ce sujet : http://bit.ly/17hDZzx
Cordialement
Olivier CHAILLOT
@ Olivier : Merci de vos encouragements et bravo pour votre article, passionnant !
Un boeing 747, parce qu’il est réductible à l’analyse, est compliqué. En revanche un plat de spaghetti, parce qu’il est impossible de prédire la quantité qu’on soulèvera en plantant sa fourchette dedans, est complexe.