Depuis de nombreuses années, je voyage dans le monde des organisations : les grandes et les petites ; les privées et les publiques ! Concernant le secteur public, par comparaison au privé, j’ai acquis une double conviction : (1) le déficit de management y est, toute chose égale par ailleurs, plus important ; (2) mais c’est là qu’on trouve les meilleurs managers.
En fait, ces deux convictions ont la même origine : manager dans le public est beaucoup plus difficile que dans le privé ! Du coup, un nombre plus important de managers y exercent leur fonction seulement en partie. Mais ceux qui y arrivent, compte tenu des obstacles surmontés, sont en moyenne de bien meilleurs managers que leurs homologues du privé même si, souvent, ils font un complexe d’infériorité par rapport à eux. Paradoxe ?
Pourquoi manager dans le secteur public n’a-t-il rien d’évident et relève-t-il même parfois de l’exploit ? Il y a trois raisons à cela.
La première est d’ordre culturel
Manager, c’est transformer du travail en performance. Les notions de management et de performance sont ainsi indissociables. Dans l’imaginaire collectif, la performance est d’abord et avant tout économique : elle est surtout synonyme de profitabilité et/ou de productivité. Du coup, naturelle dans le privé, la notion fait débat, aujourd’hui encore, au sein de nombre d’organisations du secteur public. Il faut faire des contorsions et parler de manière détournée de performance globale, durable, équitable,… Bref, rien de simple et d’immédiat !
La deuxième raison est liée aux leviers de management
Manager ne se réduit pas à manier la carotte et le bâton, comme on dit couramment. Mais, quand on est manager, ne pouvoir user des récompenses et des sanctions que de manière limitée ne facilite pas les choses. Et, malgré les quelques timides avancées de la dernière décennie, c’est encore le lot quotidien de la grande majorité des managers du secteur public. Pas de leviers monétaires pour récompenser, pas de leviers disciplinaires pour sanctionner. Manager dans de telles circonstances ? Plus facile à dire qu’à faire !
Enfin, la troisième raison tient au fait que les théories, méthodes et outils de management ont été, pour la plupart, développés pour et par la grande entreprise privée
La grande majorité des modèles de management font abstraction des spécificités du secteur public. Cela ne facilite pas la vie du manager public qui se retrouve dans la situation du bricoleur qui n’a jamais le bon outil. Dans certains cas même, les modèles sont tellement antinomiques aux problématiques managériales du monde public qu’ils ne font pas que compliquer la vie des managers, ils les induisent en erreur. Ils compliquent des situations qui n’avaient pas besoin de l’être.
l’enjeu est effectivement crucial mais les outils peuvent aider: savez vous qu’itil (méthodologie autant qu’outil) a été développé à l’origine pour optimiser l’organisation des administrations britanniques?
Bonjour,
Merci de cette précision. Non, je ne connais pas Itil. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Réflexions très pertinentes.Permettez moi d’ajouter les raisons suivantes:
-Le manager public transige-t-il avec des clients qui bénéficient des services de son unité ou avec des bénéficiaires qui reçoivent des services publics ou encore avec des payeurs de taxes qui financent ces services ou encore des actionnaires qui demandent des retours sur leur investissements?Je me rappelle d’un lac à l’épaule où mon, équipe de gestion s’est déchiré sur ces questions.
-Les décisions d’affaires selon la définition en usage dans le privé n’existent pas dans le public.Essayez d’expliquer à un élu qu’il est nécessaire de fermer un centre de service dans sa circonscription pour des raisons d’efficience et d’économie d’échelle.Vous avez probablement oublié un paramètre dans vos calculs:le nombre de votes.
-Gérer dans le public c’est gérer dans l’ambiguité.Personnellement j’adore ça,Je défie les managers avec des expériences exclusivement dand le privé de prendre ma place.Ils ne tiendrait pas longtemps.Remarquez le contraire est aussi vrai.
Merci de ces compléments intéressants et pertinents. J’aime beaucoup le “Gérer dans le public c’est gérer dans l’ambiguité.” et je pense que, en effet, nombre de managers du privé pourraient être utilement challenger par des managers du public
Les difficultés notées pour le secteur public peuvent être largement étendues à une partie significative du secteur associatif, certes juridiquement dans le secteur privé mais proche, dans les outils et contraintes, du secteur public. Ceci peut se lire alors aussi dans la perception des salariés de ces structure qui souhaitent bénéficier des garanties du secteur public pour ce qui est du “bâton” tout en déplorant ne pouvoir bénéficier des “carottes” du privé.
Bonjour,
Oui, je suis 100% d’accord. Je travaille depuis quelques temps pour différentes associations, j’enseigne dans un Master 2 destiné au management des associations, et je pense que, dans mon billet, on peut, sans trop se tromper, remplacer “public” par “associatif”. Les mêmes causes produisent les mêmes effets !
bonjour à tous,
il me semble que ces deux types de management sont différents.
la management public intervient dans un cadre de normes et de textes. la difficulté tient notamment à adapter les organisations et à créer dans un monde où les contraintes et la complexité s’accentuent plus vite que l’évolution des textes.
le manager public doit également agir en restant dans le cadre du meilleur service au public et du bon usage du denier public (notion très pregnante dans notre contexte actuel).
la management associatif dispose, me semble t-il de plus de marge de manoeuvre notamment dans la définition du sens et des objectifs
il me semble que le management associatif peut s’appuyer sur une doctrine et faire évoluer les textes, alors que le management public cadre les degrés de liberté des doctrines par rapport aux textes.
je ne suis pas particulièrement experte du management associatif, et l’approfondissement de la thématique pourrait être intéressante.
bien à vous.
@ Anne : Oui, les managements “public” et “associatif” sont différents à nombre de points de vue. Mais je pense que les trois raisons mises en avant dans mon billet pour expliquer la difficulté de manager dans le monde public valent également pour le secteur associatif.
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Pour ma part venant du privé et ayant été recruté pour encadrer une équipe de 34 fonctionnaires, je peux vous assurer que manager dans le public est un vrai challenge. Dans une situation socio-économique complexe tant du point de vue des repères que des limites, notre mission et de les accompagner dans le changement. En effet, depuis des années, la fonction publique a été, et je l’affirme, à tord accusée de tous les maux. Alors que ses agents sont juste “laissés” seuls face à un monde qui évolue. Notre rôle est de les accompagner dans ce changement, les accompagner afin que ce changement ne soit pas brutal et soit perçu par tous comme bénéfique. Par rapport au privé cela est long, contraignant et parfois épuisant, en effet il faut expliquer, le pourquoi, le comment mais surtout dire le but. Mais quelle belle aventure celle de voir des agents avec plusieurs dizaines d’années d’expérience vous dire : “Merci!”