Qui est responsable des performances ?

Qui est responsable des performances ?

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Pour beaucoup d’entreprises, Anglo-saxonnes en particulier, la responsabilité des résultats est l’apanage des managers. D’où d’ailleurs un des grands principes de management : la parité entre l’autorité et la responsabilité. L’autorité du manager, trouve-t-on dans les bons manuels de management, doit lui donner le pouvoir de prendre et de faire exécuter les décisions concernant les responsabilités qui lui sont attribuées.

Un certain partage de la fonction de management

Entre fonctionnels et opérationnels, on peut alors parler d’un certain partage de la fonction de management. Un partage des activités de management, mais pas des responsabilités, de l’autorité et donc des décisions. Les fonctionnels préparent les décisions possibles, par exemple en élaborant et faisant vivre des tableaux de bord, mais c’est le manager qui prend les décisions opérationnelles. Pourquoi ? Il est le seul responsable des résultats d’une équipe, d’un service, d’un département,….

Au niveau de l’organigramme, ce principe se traduit de la manière suivante : au sein d’une Business Unit par exemple, le contrôleur de gestion (et éventuellement le responsable ressources humaines) dépend(ent) hiérarchiquement du patron de la Business Unit, et fonctionnellement du directeur financier (ou du directeur des ressources humaines).

Les managers décident, mais dans un cadre imposé

Dans ce cas, le travail de management est principalement effectué par les managers, mais dans le cadre de règles fixées par les directions fonctionnelles. Ils sont les joueurs d’un jeu dont les règles sont fixées par les directions fonctionnelles. Après les avoir définies, elles veillent à leur bonne application. La décision opérationnelle relève du monopole hiérarchique. Mais cette décision est mise sous contrôle à chaque fois qu’elle concerne une des ressources gérées. Le plus souvent les ressources financières ou humaines.

Les décisions ne sont alors laissées ni au hasard des circonstances ni à la bonne volonté des managers. Ils décident, mais dans un cadre imposé. Ils ne décident pas n’importe quoi, n’importe comment, n’importe quand. Quand ils recrutent, c’est eux qui in fine choisissent parmi les candidats proposés par la direction des ressources humaines, mais leur choix doit être cohérent avec la politique de recrutement. Le candidat retenu doit être jeune pour ré-équilibrer la pyramide des âges, mobile en vue des affectations futures, bilingue non pas parce que le manager a besoin de quelqu’un qui parle une langue étrangère mais parce que l’entreprise s’internationalise,…

Le manager n’est pas un petit patron

Le manager n’est pas un chef de bande conduisant des batailles économiques pour son propre compte. Ses choix ne relèvent pas de son seul libre arbitre. Il décide, certes, mais sous contrôle. Sans cette mise sous contrôle, l’entreprise perd son unité. Ses politiques ne passent plus dans les pratiques.

Contrairement à ce qu’affirment certains slogans, une entreprise n’est pas une collection de PME, chaque manager n’est pas un petit patron. Un service, une direction, une division,… ce n’est pas une entreprise en modèle réduit. Les directions fonctionnelles ont pour mission de conduire la mise en œuvre des politiques relevant de leur champ de compétences. Dans la plupart des entreprises, deux types de ressources sont particulièrement mises sous contrôle : les ressources financières et les ressources humaines. Ce faisant, les directions générales signifient que ces ressources sont celles de l’entreprise dans son ensemble et non les ressources de telle ou telle entité en son sein.

Mettre sous contrôle les ressources rares

Ce choix – affecter la responsabilité de la performance aux managers en mettant sous contrôle les ressources « rares » – est le plus courant. Il permet de bien identifier la chaîne des responsabilités en déclinant les objectifs à chacun des niveaux hiérarchiques au sein de l’entreprise. On voit alors apparaître la ligne de management (ce que les Anglo-saxons appellent la « line » par opposition au « staff » qui nomme les directions fonctionnelles) : une succession de managers de niveau hiérarchique différent.

Cependant, toutes les entreprises ne font pas ce choix. Par exemple, une entreprise internationale du domaine de l’électronique affiche le principe dit des « 4 yeux » ou du double regard. De quoi s’agit-il ? Chaque directeur de division travaille en étroite collaboration avec un gestionnaire d’où double regard. Le premier veille au développement de l’activité. Le second est le gardien de la marge et du résultat. La responsabilité des performances de la division est partagée. Le directeur de division est plutôt responsable de son efficacité, le gestionnaire de son efficience. Pour parler de leur entreprise, certains salariés recourent alors volontiers à la métaphore suivante : « une banque qui fait de l’électronique ».

Dans le même ordre d’idée, une entreprise de la grande distribution élabore la notion de management partagé. De quoi s’agit-il ? Le management est partagé parce que la responsabilité des performances est partagée. En effet, au sein des magasins, la responsabilité de chacun des résultats est partagée entre opérationnels et fonctionnels. Par exemple, le niveau des stocks est de la responsabilité conjointe des chefs de rayon (au niveau de leur rayon bien sûr) et du contrôleur de gestion. Le montant du bonus de ce dernier en dépend ! C’est la même chose concernant le montant des dépenses de formation ou le taux d’absentéisme pour le responsable des ressources humaines. Pour certaines entreprises, le management semble être une affaire trop sérieuse pour le laisser aux seules mains des… managers.

Les managers ne sont pas toujours évalués sur des résultats

Dans le domaine des responsabilités aussi, le discours peut ne pas toujours coïncider avec la réalité. Une entreprise peut claironner haut et fort que la responsabilité des résultats revient à ses managers et, dans le même temps, ne pas les évaluer sur les résultats de leur service. Quand les résultats sont au rendez-vous, on les applaudit des deux mains. Dans le cas contraire, on leur trouve toujours un tas de circonstances atténuantes : « c’est vrai, il n’a pas atteint ses objectifs, mais quel humaniste ! D’ailleurs, ses collaborateurs l’adorent et ne jurent que par lui. » Ou encore : « ne lui jetons pas la pierre trop rapidement, c’est quand même un des plus grands experts de la maison. »

Dans nombre d’entreprises, Françaises au moins, on apprend vite qu’on ne fait pas toujours (pas souvent ?) carrière avec des résultats, même si le directeur des ressources humaines clame le contraire à longueur de journée. De modestes managers occupent des postes clés. Inversement, d’excellents managers attendent toujours leur nomination. Les logiques de promotion sont à chercher ailleurs que dans la performance : les réseaux, les comportements,…

6 COMMENTS

  1. Bravo, vous mettez le doigt sur une vraie difficulté en entreprise. Qui est responsable de quoi ? Et il est bien vrai que la responsabilité attribuée ne va pas toujours avec la libre et juste disposition des ressources !
    Sur ce même sujet, avez-vous déjà entendu parler de la LOLF pour l’administration ?

  2. Bonjour,
    Oui, problématique amplifiée par le désir de ‘mesurer’ les performances qui est de par mon expérience très complexe dans des organisations R&D ou l’objectif est d’inventer, concevoir un produit. De qui dépend la performance lorsque la performance recherchée est : La meilleur idée, vite et pas cher qui répond au besoin du plus grand nombre ?
    Comment mesurer ce type de performances ?

    Je conseille souvent à mes clients d’éviter des mesures trop techniques mais de favoriser les bons comportements : esprit d’initiative, inventivité, partage de connaissances… pas facile à mesurer…

    Cordialement,

  3. @ Dussaucy : merci de vos encouragements ! Peut-être que trop parler de performance, de résultats et d’indicateurs est une manière de ne pas véritablement traiter le sujet. Mais, de mon point de vue, le sujet est complexe et les approches managériales qui prennent véritablement en compte les spécificités du service public pas suffisamment nombreuses.

  4. @ François : je suis tout à fait d’accord avec vous. Les objectifs ne sont pas le seul moyen de mesurer la performance. Dans certaines situations, les activités, les compétences ou encore les comportements, sont plus pertinents.

  5. Vous avez bien mis le doigt sur la dilution des responsabilités dans nos bonnes entreprises franchouillardes.
    Vous oubliez tous les managers opérationnels sacrifiés par leur hiérarchie incompétentes sous prétextes de manques de résultats.
    Pour ma par la majorité des entreprises que j’ai côtoyé ont une culture du genre : quand les résultats sont bons c’est grâce à la direction générale et quand ils sont mauvais, c’est que les managers ne sont pas au niveau.

  6. @ Goyheneche : je vous trouve un peu sévère avec les directions générales. Elles n’ont pas toujours une représentation très exacte du rôle des managers, mais ont, me semble-t-il, largement pris conscience de leur importance. Elles sont confrontées à un autre type de complexité que celle des managers.

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