Le point de vue d’Alain Aboukinane

Le point de vue d’Alain Aboukinane

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Ce billet a un statut particulier : c’est le premier qui n’est pas écrit par mes soins. Son auteur, Alain Aboukinane, est un ancien camarade d’école. A la suite de ses commentaires sur des billets précédents, tous relatifs au lien rémunération-motivation-performance, je lui ai proposé de rédiger le sien. Il a accepté et je l’en remercie. J’espère que son initiative sera suivie d’autres. Les colonnes de Questions de Management vous sont ouvertes. A vos plumes, donc, chers lecteurs ! Je suis impatient de vous lire.

Que rémunère t-on dans une entreprise par le versement d’une rémunération ?

La performance, l’attachement à une société – matérialisable entre autres par l’ancienneté, la fonction, les études, le capital sympathie, les gains obtenus pour la réduction de coûts, un accroissement du chiffre d’affaire, un retour d’ascenseur pour un service rendu…? La liste pourrait se compléter longuement. Mais franchement, pourquoi augmenter quelqu’un qui travaille bien et qui est motivé par rapport à une personne qui travaille tout aussi bien mais qui n’est pas motivée ? La question est donc de définir « bien ». Au sens le plus élémentaire c’est répondre aux attentes du poste. La question donc se pose : si l’on augmentait la personne sur la simple base de sa motivation, ne concourerait-on pas à augmenter la démotivation de la personne déjà peu motivée ? Et si l’on augmentait celle motivée, serait-ce le gage de tout au moins son maintient en l’état, à défaut d’espérer augmenter cette valeur motivation ?

La différence pour l’entreprise est-elle à ce point notable qu’il lui faille chercher à rémunérer la motivation ?

Si la personne est en poste, c’est bel et bien parce qu’un besoin s’était matérialisé d’avoir recours à une ressource humaine à cette fonction/ce poste. Maintenant, pourquoi surpayer une pièce, même si elle est en or, alors qu’une pièce en fer aurait tout aussi bien fonctionné. Si la pièce en or est là au prix de celle du fer, c’est tant pis pour elle. Rationnellement, le coût d’entretien d’une pièce qui devient trop élevé, pose la question du pourquoi conserver la pièce… De plus le marché d’une manière plus ou moins officielle a des grilles de rémunération qui limite les primes et augmentations de fait. Les augmentations sont de par cela limitées. Et il n’est pas envisageable de rémunérer chaque bonne disposition d’un salarié simplement parce qu’il aurait eu cette dite bonne disposition.

Qu’est-ce qui pousse un salarié à accepter une rémunération, même minimaliste ?

Qu’est-ce que ce fameux contrat de travail ? Qu’impose t-il à l’employé ? Une subordination ? En échange de quoi ? Une rémunération. N’est-ce pas là le cadre juridique et social accepté par tous ? Pourtant, ce cadre donne une forme à notre société en donnant corps à une certaine structuration de l’échange. L’avantage étant, entre autres, de permettre à des gens peu commerçant, d’avoir un minimum pour exister (socialement) en échange d’une rémunération. Ainsi, un diplôme peut permettre à des gens qui ne savent pas s’exprimer à s’attendre à avoir un minimum, en fonction de leurs acquis. Acquis qui eux même se retrouvent prétendument validés par des contrôles de personnes dites qualifiés, qui auraient accordé une note à minima moyenne, pour définir cette validation d’acceptabilité sociale…

Ce que tout cela induit

Tout ceci induit une notion d’acceptation du type : « je ne peux pas prétendre à telle rémunération, car je n’ai pas tel niveau ». Ainsi est naturellement définit le cadre dans lesquels les aspirations des uns et des autres se jouent. Il est amusant de constater que dans les entreprises ou la décorrélation entre les chefs directs et ceux qui valident primes et augmentations, permet de continuer à exiger des bases une action sans surplus de rémunération. Ceci est lié à la « simple » (mais non moins méritante) capacité des chefs directs à exiger, plus ou moins formellement, une adhésion à l’objectif de l’entreprise et finaliser ainsi chaque cycle de production.

Stratégiquement, pourquoi ce qui est facilement remplaçable (du salarié au manager) devrait-il être plus valorisé financièrement ?

Il est vrai que des études ont démontré que l’augmentation de la satisfaction du personnel de 1% apportait une augmentation de productivité de 2%. Il n’a pas été démontré, qu’une augmentation de rémunération puisse augmenter dans de telle proportion la productivité. Maintenant, de nouveau, pourquoi enrichir le personnel sur la base d’une variation de la valeur profit de l’entreprise ? Ne travaille t-il pas à cette fin ? Maintenant, le tour de maitre est de parvenir à maintenir un niveau de motivation et d’adhésion fort de ses équipes sans avoir à augmenter de façon significative, voir idéalement pas du tout, les rémunérations des uns et des autres. Ainsi, les nouveaux managers se doivent d’intégrer une nouvelle dimension, comment faire plus avec moins. Comment un manager, qui lui même ne sera pas augmenté ou si peu, pourra t-il maintenir un haut niveau de motivation de lui-même et de ses équipes. Voilà sûrement le nouveau challenge du 21ème siècle ou peut être une refonte de la notion de gratification.

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