Un modèle organisationnel pour la Moyenne Entreprise (ME)

Un modèle organisationnel pour la Moyenne Entreprise (ME)

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Les spécificités de la Moyenne Entreprise, par rapport à la grande et à la petite entreprise, a fait l’objet d’un premier billet. Dans son prolongement, j’interroge ici l’aspect organisationnel.

Des modèles organisationnels opposés

Les logiques organisationnelles de la petite et de la grande entreprise correspondent à des paradigmes antagonistes, voire contradictoires. Le premier, celui de la petite, est fait d’intuition, de travail indifférencié, de relations interpersonnelles et de communication informelle.

Le second, lui, présente à peu près toutes les caractéristiques opposées : calcul et planification, division et spécialisation du travail, décentralisation de la décision et de la gestion, formalisation des modes de coordination et de communication.

Moyenne Entreprise (ME) : plus une petite qu’une grande

Comme l’eau tiède, faite à la fois d’eau froide et chaude, l’Entreprise Moyenne (EM) devrait se trouver au confluent de ces deux logiques. Et bien, non ! Dans le sens commun et l’imaginaire collectif, l’entreprise moyenne est plus une petite, qu’une grande. Le fait que des décennies durant, nous ayons parlé seulement de PME (Petites et Moyennes Entreprises) et non de MGE (Moyennes et Grandes Entreprises) est assez éloquent : les classifications statistiques, des conventions sociales pour analyser la réalité économique, regroupent les moyennes avec les petites, pas avec les grandes.

Les travaux académiques vont dans le même sens. Pour Pierre-André Julien, l’un des spécialistes reconnus sur le sujet, une PME est caractérisée par : (1) une gestion centralisée ; (2) une faible spécialisation des tâches ; (3) des systèmes d’information simples et informels ; (4) une stratégie implicite et à court terme ; (5) un marché proche, géographiquement ou psychologiquement. Des caractéristiques organisationnelles qui émanent beaucoup plus du paradigme de la petite entreprise que de la grande.

Et d’ailleurs, quand par hasard un chercheur s’attarde sur des PME qui présentent des caractéristiques organisationnelles similaires ou comparables à celles de la grande entreprise, il qualifie ce type d’entreprises d’anti-PME. Selon Olivier Torrès, une anti-PME est une entreprise, de taille petite ou moyenne, qui présente tout ou partie des caractéristiques organisationnelles d’une grande.

La trajectoire professionnelle des dirigeants

Malgré leur développement, parfois jusqu’à des seuils de taille plus que significatifs, le fait que la grande majorité des entreprises moyennes soient encore organisées comme des petites entreprises et que, ce faisant, tout le monde finisse par les assimiler aux petites et non aux grandes, s’explique par leur origine et, au premier chef, par la trajectoire professionnelle de leur dirigeant.

Avant d’être moyenne, une entreprise a le plus souvent, même pendant une brève période, été petite ! Un dirigeant d’entreprise moyenne, avant d’être le patron d’une entreprise de plusieurs dizaines puis de quelques centaines de salariés, a souvent été entrepreneur voire artisan. Professionnellement, il est né et a grandi dans la petite entreprise. Il ne connaît pas la grande : il la fuit ; elle lui fait peur, voire constitue à ses yeux un contre-modèle, plus synonyme de bureaucratie que de dynamisme et de performance économique.

Un changement de paradigme

Il n’est donc pas étonnant qu’il soit compliqué, voire impossible, pour lui de changer de paradigme organisationnel, de passer de la logique de la petite à celle de la grande. Il fait facilement plus de la même chose, mais rarement autre chose, pour reprendre l’expression célèbre de Paul Watzlawick.

4 COMMENTS

  1. Merci Eric,
    pour cette contribution qualitative.
    Cependant, autant, on a des criteres pour definir et differencier une EURL d’une SARL ou d’une SA, il serait bon de nous donner les critères de définition de la moyennes entreprise, en terme de :
    1. Nombre de salariés: nombre de cadres + nombre d’employés
    2. Nombre de Directions ou departements
    3. Masse salariale ou ratio masse salariale sur Chiffre d’affaires
    4. Capacité d’autofinacement en nombre de mois.
    5. … etc
    C’est avec ces critères précis, que nous pourrons dire, telle entreprise est petite, telle autre est moyenne et telle autre encore est grande.
    Merci encore Eric, de nous aider à partir des critères ci dessus, à reconnaitre une moyenne entreprise.
    Cordialement !

  2. @ Seraphin : Comme je le précisais dans un billet précédent ( https://www.questions-de-management.com/la-moyenne-entreprise-me-entre-grande-et-petite/), une Moyenne Entreprise (ME), c’est, dans le domaine de l’édition, une entreprise d’une centaine de personnes, une entreprise industrielle de 200 salariés voire plus, un cabinet de 50 consultants ou avocats,…
    On peut aussi se caler sur la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 qui a officialisé la création d’une nouvelle catégorie d’entreprises, les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI), regroupant, de mon point de vue, la fourchette haute des entreprises moyennes (l’autre partie, celles dont la taille est inférieure à 250 salariés, restant rattachée à la catégorie des PME).
    Mais j’ai bien peur de vous décevoir et de ne pas vraiment répondre à votre question. En effet, sauf pour les macro-économistes ou les instituts de statistiques, je ne pense pas qu’une approche quantitative soit véritablement utile : en fonction des secteurs et des métiers, les seuils sont trop variables. C’est la raison pour laquelle, j’ai privilégié une approche qualitative, centrée sur l’organisation et le management. Mais j’ai aussi bien conscience de sa limite !

  3. Une moyenne entreprise pourrait peut-être se définir comme une entreprise avec un management intermédiaire structuré, soumis à différents contre-pouvoirs: politique RH, système qualité, syndicats.
    Par ailleurs si il y a peu de recherches sur les entreprises intermédiaires (BGPME Bonnes Grosses PME) c’est sans doute qu’elles sont trop petites pour faire vivre des consultants en stratégie qui ont besoin de publier pour se faire connaître, et trop grosses pour que des liens informels puissent se nouer entre leur dirigeant et des chercheurs ou des journalistes.

  4. @ Laurent : merci de votre commentaire. J’aime beaucoup le “BGPME” et je partage à 100% votre point de vue sur les raisons pour lesquelles il n’y a malheureusement pas plus de recherches sur les moyennes entreprises. Sur les éléments que vous mettez en avant pour définir une moyenne entreprise, je pense qu’ils sont très pertinents pour la distinguer d’une petite entreprise. En revanche, ces éléments sont également présents dans les grandes entreprises. Or, une moyenne entreprise, si elle n’est plus petite, n’est pas encore grande.

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