Moyenne Entreprise (ME) : mes convictions à l’épreuve des faits !

Moyenne Entreprise (ME) : mes convictions à l’épreuve des faits !

5003
8
SHARE

Cet article fait suite à deux premiers billets sur la Moyenne Entreprise (ME). Le premier portait sur des éléments de définition, le second sur les bases de son modèle organisationnel.

Un parcours particulier

Mon parcours est à peu près à l’opposé de celui de l’immense majorité des dirigeants de ME. J’ai été consultant et enseignant en management pendant plus de dix ans. Mes clients et étudiants étaient tous issus de grandes entreprises privées ou publiques. J’ai ensuite passé cinq ans à la tête d’une entreprise familiale d’une centaine de salariés, dans le domaine de l’édition, pour accompagner le passage de témoin entre un père et sa fille. Et le modèle organisationnel que cette dernière souhaitait mettre en place, en rupture avec celui légué par son père, ressemblait comme deux gouttes d’eau à celui que j’avais conseillé à mes clients et enseigné à mes étudiants dans ma vie antérieure.

C’est d’ailleurs le procès que les salariés m’ont fait à mon arrivée : je connaissais le monde de la grande entreprise, mais pas celui de la petite. Entre autres, je me souviens qu’au moment de la mise en place d’un système d’information de gestion, j’ai, dans une réunion, été interpellé par une salariée qui me demandait si je connaissais des petites entreprises dans lesquelles de tels systèmes fonctionnaient correctement. A ce type d’interpellation, ma réponse la plus fréquente était : « Non, je n’en connais pas ! Mais j’en connais des grandes. Et vous savez, une grande entreprise n’est rien d’autre qu’une collection de petites ». Et bien, j’avais tort !

Une petite entreprise n’est pas une grande entreprise en modèle réduit

Je me suis rapidement rendu compte que non, une grande entreprise n’est pas une collection de petites ; que non, une petite entreprise n’est pas une grande entreprise en modèle réduit. C’est ce que j’ai appris tous les jours au sein de l’entreprise que je dirigeais. C’est aussi ce que j’ai découvert à chaque rencontre avec mes clients, fournisseurs, partenaires,… dont les patrons étaient tous également dirigeants de PME : une imprimerie, une régie publicitaire, une web agency, un routeur,…

Mais j’ai aussi réalisé qu’il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Que si une petite entreprise n’était pas une grande entreprise en modèle réduit, la première pouvait néanmoins tirer avantageusement profit des méthodes et outils développés au sein de la seconde. C’était une bonne nouvelle puisque, malgré quelques centres de recherche et cabinets conseils spécialisés dans la PME, la quasi-totalité de nos connaissances en matière de management proviennent de la grande entreprise.

Une petite entreprise peut avantageusement bénéficier de l’expérience d’une grande

J’ai donc mis en place un nouveau modèle organisationnel plus adapté aux caractéristiques de cette entreprise de taille moyenne et, surtout, aux velléités  de développement de sa dirigeante. Et de cette expérience, j’ai tiré l’enseignement que je souhaite partager avec vous, lecteurs, dans ce billet : pour devenir moyenne, une petite entreprise peut avantageusement bénéficier de l’expérience d’une grande.

Cependant, ce n’est pas parce que le modèle organisationnel de la moyenne entreprise  emprunte un certain nombre d’éléments à la grande que, pour autant, la ME devient une grande entreprise en modèle réduit. L’expérience d’une grande entreprise est fructueuse pour une ME, ou pour une petite qui veut devenir une moyenne, à condition, non pas d’appliquer in extenso ses méthodes, mais de les adapter en remettant chaque fois l’ouvrage sur le métier.

Faire entrer la logique de la grande entreprise dans la petite

Je suis aujourd’hui convaincu qu’il est possible de faire entrer la logique de la grande entreprise dans la petite pour construire un modèle organisationnel spécifique à la ME. La moyenne entreprise présente des caractéristiques telles que, pour la piloter et la développer, son dirigeant a besoin d’un modèle organisationnel et managérial spécifique.

Ma conviction est faite des résultats, économiques notamment, obtenus et salués à la fin de chaque exercice par l’actionnaire. Mais aussi de la réaction des salariés eux-mêmes.

Un exemple marquant

A cet égard, un exemple m’a particulièrement marqué. A mon arrivée, les augmentations de salaire étaient, pour la majeure partie, générales et indicielles. Une partie résiduelle était attribuée individuellement de manière arbitraire. Un de mes projets de Gestion des Ressources Humaines (GRH) consistait à mettre en place un entretien annuel d’évaluation et une individualisation des rémunérations. Pour ce faire, il a fallu dénoncer un usage qui a provoqué quelques remous sociaux : deux salariés sur trois ont signés une pétition marquant leur opposition.

Deux ans après la mise en place de ce projet, la personne à l’initiative de la pétition a été la première à ne pas augmenter un des membres de son équipe qui ne lui donnait pas satisfaction. Non seulement elle a utilisé un levier qui n’existait pas jusque-là, mais, en plus, elle l’a fait dans l’esprit managérial de ce projet : ne pas utiliser la « carotte » (pas d’augmentation de salaire) au lieu de recourir directement au « bâton » (la sanction disciplinaire, c’est-à-dire l’avertissement ou le licenciement).

L’année suivante, son collaborateur a recommencé à lui donner complète satisfaction. La pratique managériale, issue de la grande entreprise, donnait des résultats probants aussi dans la petite ou, plus exactement, dans la moyenne.

8 COMMENTS

  1. Je comprends tout à fait l’effet bénéfique de la rémunération individuelle, … dans un premier temps. En revanche, j’en vois les limites lorsque l’entreprise veut aller vers une meilleure coopération en son sein, quand elle souhaite développer l’intelligence collective. Il est alors bon d’évoluer vers un mix : rémunération individuelle du responsable associée à une rémunération qui prend en compte les résultats de l’équipe.

  2. Bonjour,

    J’ai lu avec intérêt votre billet qui présente de façon éloquente la Complexité (avec un grand C) du management des hommes et des organisations. Et ceci est particulièrement vrai dans un contexte de conduite du changement. Votre exemple montre la difficulté à obtenir l’adhésion des salariés aux nouveaux projets de l’entreprise dans le cadre d’une réorganisation et la nécessité pour l’encadrement de bien intégrer les décisions stratégiques. Adapter un modèle organisationnel (ici, le modèle de la grande entreprise) à une structure dont la culture d”entreprise est déjà bien établie est semble-t-il un travail de longue haleine. Il faut du temps pour faire accepter les changements, pour lever les réticences et faire comprendre que le fonctionnement n’est plus adapté aux nouvelles ambitions . C’est du moins ce que j’ai compris en vous lisant, moi qui ne suis pas manager.

  3. @ dussaucy : vous avez tout à fait raison. Vous décrivez ce qui aurait pu être l’étape suivante du changement décrit dans mon billet. L’art de la rémunération consiste à articuler les niveaux individuel et collectif. Une véritable alchimie !

  4. Bonjour Eric,

    Dans les exemples que vous citez, je ne vois pas ce qui est spécifique à la grande entreprise.

    De plus, sans prétendre posséder LA vérité, je pense que la plupart des concepts de management sont applicables à une PME , et même à une start-up (ce sont les méchanismes d’application qui sont différents). La mise en place d’un système de management adéquat dans une PME est une question de capacité managériale du dirigeant et de son équipe. Les concepts et outils de management les plus avancés sont plus facilement applicables dans une PME que dans une grande entreprise.

    Cette divergence d’opinion – peut-être liée à mon expérience en environnement anglo-saxon et germanique – n’enlève rien au plaisir et à l’intérêt que je prends à lire vos billet!

    Cordialement!

    Olivier

  5. @ Olivier : Je comprends votre point de vue. Les concepts sont applicables, les outils nécessitent souvent d’être adaptés aux spêcificités des PME. En revanche, je suis 100% d’accord sur le fait que la capacitéb et la culture manageriale du dirigeant sont cruciales.

LEAVE A REPLY