Développer l’autonomie ET la coopération au sein des organisations

Développer l’autonomie ET la coopération au sein des organisations

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La compétence est d’abord et avant tout un potentiel d’action. L’autonomie et la coopération, les deux autres ingrédients de la dynamique organique, permettent sa mobilisation et sa valorisation. C’est quand les environnements sont peu prévisibles et turbulents que l’officialisation et l’allocation de l’autonomie s’imposent au sein des organisations. Mais, en même temps, l’autonomie permet à ses bénéficiaires d’adopter des comportements encore plus faiblement prédictibles. L’autonomie est ainsi à la fois une réponse et, en même, un facteur d’imprévisibilité.

La coopération consiste, elle, à favoriser les synergies du type « 1+1=3 ». Le paralytique voit, mais ne marche pas. L’aveugle marche, mais ne voit pas. En coopérant, ils marchent et voient tous les deux. Pour que A et B coopèrent, il faut que A possède des ressources nécessaires à l’atteinte des objectifs de B, et inversement. La coopération n’est pas seulement une relation client/fournisseur : c’est une boucle client/fournisseur ! Le client dépend du fournisseur qui dépend du client, lequel devient par là même son fournisseur.

L’autonomie et la coopération sont nécessaires au développement et à la pleine expression de la logique organique qui seule permet de faire face à des situations évolutives et peu prédictibles. Mais ces deux notions sont à la fois complémentaires et antagonistes. Il faut savoir sortir des cercles vicieux entre elles et construire des cercles vertueux. Comment ?

Des notions complémentaires et antagonistes

La coopération nécessite de l’autonomie pour que chacun puisse faire face aux aléas. Réciproquement, les ressources nécessaires à l’autonomie sont largement issues de la coopération. C’est leur dimension complémentaire, l’une n’allant pas sans l’autre. Mais, dans le même temps, la coopération limite l’autonomie, et inversement ! La coopération nécessite que je fasse des compromis sur la manière dont je travaille, l’organisation de mon temps, la priorisation de mes activités,… que je n’ai pas à faire quand je suis seul. En coopérant, je dépends des autres. Cette dépendance limite mon autonomie.

Dans l’optique de la création des conditions du développement et de la pleine expression de la logique organique, l’autonomie constitue une porte d’entrée plus évidente et moins problématique que la coopération dans la mesure où elle correspond à une tendance de fond de l’évolution de nos sociétés. Elle correspond à un besoin qu’un nombre croissant d’entre nous cherchent à satisfaire au travail. L’autonomie est un point de départ intéressant à condition de ne pas succomber à un quelconque psychologisme angélique, ce qui est fréquemment le cas en la matière.

Attention aux dérives psychologisantes

Par exemple, Paul Hersey et Kenneth Blanchard, dans leur célèbre approche dite du management situationnel, caractérisent le niveau d’autonomie d’une personne à partir de son degré de compétence et de motivation. Plus la compétence et la motivation sont fortes, plus l’autonomie est importante. Ils oublient qu’au savoir-faire et au vouloir-faire, il faut ajouter le pouvoir-faire. Sans délégation par exemple, un collaborateur, même très compétent et extrêmement motivé, aura beaucoup de difficulté à prendre les décisions lui permettant de résoudre les problèmes auxquels il est confronté sans avoir à en référer à qui de droit. L’autonomie n’est pas seulement individuelle. Elle est aussi, et surtout, organisationnelle.

Une autre approche, pourtant également issue de la psychologie, me semble plus fructueuse pour notre sujet, à condition de modifier son objet d’application. Nola Katherine Symor définit quatre stades d’autonomie : la dépendance, la contre-dépendance, l’indépendance et l’interdépendance. Ces derniers lui permettent de qualifier le développement d’une personne : l’enfant dépend de ses parents ; l’adolescent se construit contre eux ; le jeune adulte pense n’avoir besoin de personne ; enfin, la personne accomplie est capable d’être dans la relation à l’autre tout en restant elle-même, de s’enrichir des autres tout en les nourrissant en retour.

Dépasser une contradiction seulement apparente

Appliquée non pas à une personne mais à une relation, notamment entre deux entités organisationnelles, cette grille de lecture permet de dépasser le paradoxe seulement apparent entre l’autonomie et la coopération. Deux entités sont au stade de la dépendance quand l’une dépend complètement de l’autre. Ceci se produit quand une unité possède une quelconque forme d’exclusivité et est, de fait, en situation de monopole interne. Cela met les autres unités en situation de complète dépendance vis-à-vis d’elle. Non seulement cette situation nuit à l’autonomie des autres unités, mais, en plus, rien n’incite l’entité en situation de monopole à coopérer. Tout le monde dépend d’elle alors qu’elle ne dépend de personne.

Le stade de la contre-dépendance caractérise la relation de deux entités qui sont dans ce que les économistes de la théorie des jeux appellent un « jeu à somme nulle » : ce que l’une gagne, l’autre le perd ! Cette situation se traduit par des formes de concurrence interne stériles dans la mesure où aucune valeur additionnelle n’est créée. Le stade de l’indépendance caractérise la relation de deux entités qui peuvent travailler chacune dans leur coin sans avoir besoin de collaborer. C’est l’exemple, cité par François Dupuy, du couple qui acquiert un second poste de télévision : chacun peut regarder son programme dans son coin. Mari et femme n’ont pas besoin de se mettre d’accord, de faire des compromis. Non seulement  les situations d’indépendance ne favorisent pas la coopération, mais, en plus, elles sont coûteuses : le coût du second téléviseur est le prix de la non-coopération entre les époux.

Enfin, le stade de l’interdépendance est assimilable à un « jeu à somme non nulle » : en coopérant, les deux entités augmentent leur autonomie respective et, au total, créent de la valeur ajoutée. C’est à ce stade, et à ce stade seulement, qu’autonomie et coopération ne sont plus antagonistes, mais complémentaires.

Le fait de trouver une complémentarité ne fait pas pour autant disparaître l’antagonisme : l’un ne se substitue pas à l’autre ; ils cohabitent. Deux entités peuvent très bien atteindre le stade de l’interdépendance (complémentarité) sur un sujet et être, en même temps, à celui de la contre-dépendance (antagonisme) sur un autre. Les stades d’autonomie ne s’excluent pas les uns les autres. Par ailleurs, les mouvements ne sont pas seulement linéaires : il y a des progressions, mais aussi des régressions. Ajoutées aux superpositions, il y a un fort risque de contradictions. Entre autonomie et coopération, les équilibres sont donc toujours précaires. Il est sage de se préparer à remettre constamment l’ouvrage sur le métier.

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  1. […] La compétence est d’abord et avant tout un potentiel d’action. L’autonomie et la coopération, les deux autres ingrédients de la dynamique organique, permettent sa mobilisation et sa valorisation. C’est quand les environnements sont peu prévisibles et turbulents que l’officialisation et l’allocation de l’autonomie s’imposent au sein des organisations. Mais, en même temps, l’autonomie permet à ses bénéficiaires d’adopter des comportements encore plus faiblement prédictibles. L’autonomie est ainsi à la fois une réponse et, en même, un facteur d’imprévisibilité.  […]

  2. […] L’autonomie et la coopération sont nécessaires au développement et à la pleine expression de la logique organique qui seule permet de faire face à des situations évolutives et peu prédictibles. Mais ces deux notions sont à la fois complémentaires et antagonistes. Il faut savoir sortir des cercles vicieux entre elles et construire des cercles vertueux.  […]

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