Compte tenu de leur degré d’influence « seulement » moyen, c’est au moment de la mise en œuvre que les résistants vont entrer en action (voir mon billet sur les comportements face au changement). C’est une des choses que l’on peut anticiper sans trop se tromper dans le déroulement d’un changement. La perte de performance, liée au syndrome de la chaussure neuve, est pour eux du pain béni (voir mon billet sur le syndrome de la chaussure neuve).
Impliquer les résistants dans la mise en œuvre
Il peut alors être très judicieux d’encadrer leur résistance. Comment ? En les impliquant dans la mise en œuvre ! C’est contre-intuitif, mais souvent très efficace. Il s’agit de leur faire jouer un rôle dans des instances comme des groupes de travail, comités de suivi,… En étant très au clair sur ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas, cette tactique consiste à leur offrir l’opportunité de trouver des contreparties à leurs enjeux négatifs en proposant des aménagements de la cible organisationnelle.
C’est bien une organisation un peu différente de celle escomptée initialement qui, au final, verra le jour, mais dans le cadre d’un processus qui continuera d’être piloté.
Des jeux à somme non nulle
Une manière opérationnelle de déployer cette tactique est de faire du « 2 en 1 ». Il s’agit d’intégrer un second changement au premier pour trouver les opportunités d’enjeux positifs jusque-là absentes. Dans certains cas, cela permet de passer d’un jeu à somme nulle, pour parler comme les économistes de la théorie des jeux, c’est-à-dire d’une situation dans laquelle ce qu’une partie prenante gagne l’autre le perd, à un jeu à somme non nulle, à savoir une situation dans laquelle l’ensemble des parties prenantes sont gagnantes. Accroître la taille du gâteau en quelque sorte pour trouver des compromis gagnant – gagnant !
« Impliquer les résistants dans la mise en œuvre » comme vous le préconisez pourrait être une bonne idée dans certains cas.
De façon plus fondamentale, pourquoi ne pas chercher à comprendre les raisons de la résistance et intervenir en amont pour la réduire ? Au-delà des raisons négatives, il y a de vraies raisons de résistance au changement. C’est en particulier le cas des changements imposés par la direction pour soi-disant améliorer la performance.
La grande majorité de ces « améliorations » se font sans une compréhension de la génération de la performance. La performance est envisagée de façon statique, parcellaire et fragmentée qu’on voudrait améliorer par la contrainte à court terme. A force de mettre sous tension les hommes par des critères globaux et des objectifs incohérents on dégrade les conditions de travail, les compétences, la motivation, la qualité, l’innovation et on aboutit à l’inverse de l’effet recherché sur la compétitivité et la performance.
Dans une logique taylorienne, ceux qui savent (les dirigeants et les experts) cherchent à imposer des changements à ceux qui n’ont qu’à exécuter (l’essentiel de l’encadrement et les opérationnels). Beaucoup de projets de changement, à supposer même qu’ils soient pertinents, sont vécus par les opérationnels comme une dépossession de leur métier. Il n’est pas étonnant qu’ils s’y opposent. Car les gens aiment leur métier et ne demandent qu’à pourvoir le faire correctement.
Bien plus que lancer une multitude de projets de changements, le rôle de la direction devrait consister à créer les conditions opérationnelles d’une transformation vers une vision cible et aider les acteurs du terrain à exploiter l’énorme potentiel de leurs propres leviers prioritaires à fort potentiel. Alors, on aurait beaucoup moins à se préoccuper de la résistance, puisque l’essentiel des changements serait à la fois élaboré et mis en œuvre par les acteurs concernés eux-mêmes.
Trente-six ans de conseil en management de la performance me conduisent à une conviction simple : nous ne savons pas changer ni améliorer la performance durablement de l’extérieur. Créons les conditions pour que les acteurs opérationnels le fassent.
Au lieu d’imposer des changements en tous sens, l’enseignement comme les pratiques du management devraient enfin changer pour évoluer d’une logique de gouvernance par la contrainte vers une logique de gouvernance par la mobilisation.
Bonjour,
Je comprends bien le sens général de la démarche consistant à impliquer les résistances.
Ceci dit,
1) quid de la mise en pratique ? Pouvez-vous donner quelques exemples probants pour mieux circonscrire l’idée, s’il vous plaît ?
2) si la démarche est perçue comme une manipulation, ne prenez-vous pas un risque ? Le cas échéant, quid pour rebondir ?
A vous lire.
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