Histoires d’un manager ordinaire

Histoires d’un manager ordinaire

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Depuis six mois, vous avez la responsabilité d’un service et êtes à la tête d’une petite équipe. Vous êtes donc devenu manager. En cette fin de semaine, vous êtes fatigué. Les journées ont été longues et denses. Vous avez bien mérité votre week-end. Pourtant, ce dimanche après-midi, en regardant jouer vos enfants, vous êtes ailleurs : déjà dans votre travail. En ce moment, il ne vous « lâche » pas. Vous en rêvez même la nuit.

En fait, une chose vous inquiète : vous avez peur de ne pas être à la hauteur de votre fonction, de ne pas être un bon manager. Qu’en pense votre responsable hiérarchique ? Vos collaborateurs ? Vous ne savez pas très bien. Vous aimeriez bien savoir, mais vous n’osez pas leur demander.

Avez-vous le « gène » du management ?

D’où vient cette inquiétude ? Depuis votre nomination, vous avez le sentiment de ne plus rien faire correctement. Vous travaillez plus, mais, paradoxalement, vous n’avez plus le temps de faire votre travail. Le temps vous manque pour faire tout ce que vous avez à faire. Vos journées sont trop courtes. Du coup, vous parez au plus pressé. Parfois, vous en venez même à vous demander ce que vous faites réellement. A quoi servez-vous ? Vous ne savez plus l’expliquer clairement, sauf en termes de lamentations : « les choses n’avancent pas ; on fait un pas en avant, deux en arrière ; je n’en verrai jamais le bout ; il n’y a rien à tirer de mes collaborateurs ; … »

Avant, vous passiez de longs moments à réfléchir devant votre ordinateur, de longues heures à vous concentrer sur votre travail. C’était confortable. Aujourd’hui, votre téléphone sonne vingt fois par jour, vous êtes dérangé toutes les deux minutes par quelqu’un qui vient de manière impromptue vous demander votre avis, quelqu’un qui le plus souvent a besoin d’une décision rapide de votre part. Vous passez plus de la moitié de votre temps en dehors de votre bureau : en réunions, dans le bureau de vos collaborateurs,… Le matin en arrivant, à peine assis, avant même d’avoir fini votre café, vous entendez le téléphone sonner et vous vous dites : « ça commence !»

Régler une multitude de petits problèmes

En fait, vous passez vos journées à régler une multitude de petits problèmes, le plus souvent sans intérêt, de votre point de vue au moins. Alors, légitimement, vous vous demandez à quoi vous servez ? Vous avez le sentiment d’occuper une fonction que vous ne méritez pas, d’être un usurpateur. Vous faites au mieux sans que le succès soit réellement au rendez-vous. Et pourtant, vous surinvestissez votre travail tant physiquement que psychologiquement.

Vous êtes consciencieux. Au moment de votre nomination, vous avez voulu vous préparer à vos nouvelles fonctions. Vous avez demandé à votre directeur des ressources humaines un stage de formation en management. Vous en avez été très content. Le formateur était très pédagogue, la nourriture très bonne et vous avez bien rigolé avec les autres stagiaires. Vous avez appris à planifier, organiser, animer et contrôler. Bref, … à manager !

Le programme était dense. Vous avez mis en pratique les recommandations du formateur lors de jeux de rôles filmés. C’était vivant, vous ne vous êtes pas ennuyé. Les mises en situation étaient un peu éloignées de votre quotidien, mais vous avez « fait bonne figure ». Selon les termes du formateur, « vous vous en êtes sorti avec les honneurs ». Depuis, vous gardez précieusement le classeur dans un des tiroirs de votre bureau. Vous ne le consultez pas souvent, mais sa présence vous rassure. En cas de problèmes, vous savez où le trouver.

Le manager idéal

Dans votre enthousiasme d’après stage, vous vous êtes procuré un ouvrage de management : celui conseillé par le formateur. Rongé par le doute sur vos capacités managériales, vous replongez aujourd’hui dans cet ouvrage. Vous l’ouvrez, et page 129, vous tombez sur une présentation du profil du manager « idéal ».

« En fait, le supérieur apparaît comme un conseiller, un consultant, un animateur disposé à aider ses subordonnés à résoudre leurs problèmes. Comme conseiller, il aide à faire comprendre le contexte et propose de nouvelles orientations. Comme consultant, il agit comme miroir et catalyseur, il aide le subordonné à s’analyser et à analyser la situation. Le subordonné peut éprouver sur lui ses idées nouvelles ; le supérieur y ajoutera les siennes, en contestera certaines et l’obligera à réfléchir. Il peut l’aider à analyser les résultats passés et à en tirer un enseignement pour l’avenir. Il peut enfin, à son échelon, soutenir les efforts de son subordonné. Ainsi, le manager qui travaille dans cet esprit est beaucoup plus qu’un détenteur de l’autorité, plus qu’un supporter dévoué, plus qu’un agent de transmission ou qu’un homme de compromis. Il est plutôt celui qui ouvre des perspectives, éduque, favorise les améliorations et permet à chacun de progresser ».

Votre lecture confirme vos doutes : à l’évidence, vous ne possédez pas toutes ces qualités. Maintenant, vous en êtes persuadé. Vous n’avez pas le « gène » du management. Le management, ce n’est pas votre « truc ». Vous concernant, il y a eu une « erreur de casting ». Du coup, vous vous sentez un peu pris au piège, vous ne pouvez pas faire machine arrière sans perdre la face. Et pourtant, vous aimeriez bien retrouver votre place d’avant,… avant d’être manager !

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