L’organisation en mouvement : mon dernier ouvrage

L’organisation en mouvement : mon dernier ouvrage

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Mon dernier ouvrage “L’organisation en mouvement. Adopter le changement permanent” vient de paraître chez IM Editions. La problématique centrale est la suivante : Comment faire quand on doit amorcer une nouvelle réorganisation alors que l’on pas encore achevé la précédente ? Pour vous en donner un avant goût, vous trouverez ci-dessous son introduction.

“Pendant les travaux, la vente continue. Voilà comment les entreprises ont longtemps exposé leurs problèmes face au changement. Cette maxime illustre la difficulté d’allouer des ressources au changement quand celles-ci sont déjà mobilisées à 100% pour délivrer la production au quotidien. Mais aujourd’hui, et ce quel que soit leur secteur d’activité, les entreprises expriment une difficulté supplémentaire : le rythme des travaux s’est accéléré au point qu’il faut amorcer le chantier suivant avant d’avoir achevé le précédent. Les travaux sont, non plus temporaires, mais permanents.

Quand la périodicité des changements est plus courte que leur durée

En ce début de XXIème siècle, le changement organisationnel cesse d’être un moment en soi, borné dans le temps, avec un début et une fin. Il est devenu un processus permanent et continu. Comment expliquer cette transformation ? En s’accélérant, le rythme des modifications de l’environnement devient plus rapide que la capacité des entreprises à changer d’organisation.

Nous avons changé de monde. Hier, la périodicité des modifications de l’environnement -l’espace de temps qui sépare deux événements déclencheurs d’un changement (l’arrivée d’une nouvelle réglementation, l’entrée d’un nouveau concurrent sur le marché, l’apparition d’une nouvelle technologie…)- était supérieure à la durée des changements organisationnels, c’est-à-dire au temps qu’il fallait aux entreprises pour passer d’une organisation à l’autre. Les moments de changement encadraient alors des périodes de stabilité plus ou moins longues selon le degré de stabilité des secteurs d’activité. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : la périodicité des changements est devenue plus courte que leur durée de mise en œuvre. Ce phénomène s’observe dans la quasi-totalité des secteurs d’activité, y compris les plus conservateurs.

Le rythme des modifications de l’environnement, et donc leur périodicité, varie bien entendu selon les secteurs. Il est, par exemple, plus rapide dans le secteur des microprocesseurs ou encore dans le digital que dans le domaine de la protection sociale. La capacité des entreprises à changer d’organisation est également variable : l’entreprise de microprocesseurs la plus bureaucratique se réorganise beaucoup plus rapidement que l’organisme de protection sociale le plus agile.

Ces dernières années, les entreprises de tous secteurs ont d’évidence beaucoup progressé en matière de management du changement. Elles ont nettement amélioré leur capacité à changer. Dorénavant, elles déploient leurs changements d’organisation avec un taux de réussite bien plus élevé, beaucoup plus rapidement et de manière bien plus efficiente. Seulement, dans tous les secteurs d’activité, le rythme des changements, dicté par la turbulence des environnements économique, technologique, socio-culturel, politique… s’est accéléré davantage. Cela explique pourquoi, malgré des variations sectorielles conséquentes, quel que soit le secteur d’activité, la périodicité des changements organisationnels est dorénavant plus courte que leur durée de mise en œuvre.

Du coup, les entreprises n’ont pas terminé un changement d’organisation qu’elles doivent déjà amorcer le suivant dans un enchaînement sans fin. Cela amène John Chambers, le CEO de CISCO, à affirmer que les entreprises se confrontent aujourd’hui davantage aux transitions du marché qu’à leurs propres concurrents.

Le changement organisationnel a bel et bien changé de nature. Il n’est plus possible aujourd’hui de l’envisager comme un moment en soi borné dans le temps avec un début et une fin. Il convient plutôt de l’appréhender comme un processus permanent et continu.

Refonder le design organisationnel

L’accélération des évolutions d’environnement remet en cause la pérennité de toute forme d’avantage concurrentiel : ce qui permet de gagner à un moment donné est inopérant, voire contre-productif, quelque temps après. On distingue moins les gagnants des perdants par leur positionnement stratégique que par leur capacité à changer plus rapidement que leurs voisins. Cette modification des règles du jeu concurrentiel nécessite de repenser, voire de refonder, le design organisationnel.

La plupart des démarches de design organisationnel relèvent aujourd’hui encore de la logique de l’alignement stratégique. Cette approche est composée de cinq grandes étapes : (1) modification substantielle du contexte d’action de l’entreprise ; (2) choix d’un positionnement concurrentiel différent et formalisation d’une nouvelle vision stratégique ; (3) constat que l’organisation en place ne permet pas de déployer cette nouvelle vision ; (4) design d’une nouvelle organisation alignée à la vision ; (5) mise en œuvre de la nouvelle organisation. Dans cette perspective, la question au cœur du design organisationnel est : « Comment concevoir une organisation permettant de déployer une vision stratégique donnée ? » Puis vient une question de conduite du changement que l’on peut formuler ainsi : « Comment mettre en œuvre une organisation conformément à la manière dont elle a été conçue ? »

L’approche de l’alignement stratégique a fait les beaux jours du design organisationnel. Mais, quand la périodicité des changements d’organisation est plus courte que leur durée de mise en œuvre, elle devient insuffisante. La vision stratégique ne peut plus être la principale porte d’entrée du design organisationnel puisqu’elle est caduque avant même d’être déployée. La question centrale n’est plus « Comment designer une organisation à partir d’une vision stratégique donnée ? » mais « Comment favoriser la capacité de changement d’une organisation pour faire face à des évolutions d’environnement permanentes, rapides et pour partie imprévisibles ? »

Dans un contexte de changement permanent, le design organisationnel doit alors être refondé autour de deux axes :

  • diagnostiquer et concevoir une organisation sans faire explicitement référence à la vision stratégique qu’elle est censée déployer ;
  • bâtir une démarche et un dispositif, non plus statiques, mais dynamiques.

Il s’agit, en quelque sorte, de passer de la photographie au cinéma. Il convient, non plus de prendre une photo au moment où on estime que les choses ont changé, mais de tourner un film de manière permanente et continue.

Trois convictions

Refonder le design organisationnel pour faire face au changement permanent : telle est l’ambition de cet ouvrage. Il est le fruit d’une expérience de plus de 25 années et est issu de trois types de compétences complémentaires acquises tout au long de mon parcours professionnel.

Celle du consultant, d’abord, qui modélise et élabore des méthodologies pour accompagner ses clients. Celle de l’enseignant, ensuite, qui transmet des savoirs ancrés dans des théories éprouvées. Celle du dirigeant, enfin, qui orchestre et met en œuvre.

« Il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie » disait Kurt Lewin. C’est vrai ! Mais les théories ne sont pas toutes bonnes. Dans tous les cas, pas toutes équivalentes du point de vue de leur utilité pour l’action. Il faut par conséquent être capable de séparer le bon grain de l’ivraie. C’est là qu’intervient ma troisième expérience : celle du dirigeant qui est passé de l’autre côté du miroir, qui a conduit des démarches de design organisationnel jusqu’à leur mise en œuvre effective, qui sait que le changement n’est jamais un long fleuve tranquille et que l’on ne se réorganise pas seulement en produisant de belles présentations PowerPoint, le fameux Slides Management. C’est en étant aux manettes que l’on peut sélectionner ce qui, d’un point de vue théorique, est plus ou moins utile pour l’action.

L’approche de design organisationnel refondé développée dans les pages qui suivent repose sur trois convictions confrontées à l’épreuve du terrain par le consultant et le dirigeant.

D’abord, dans un contexte en mouvement constant, les organisations ne peuvent plus être appréhendées de manière mécaniste comme des machines formées de rouages bien huilés. Elles doivent au contraire être pensées comme des compromis éphémères résultants de forces en tension à la fois complémentaires et antagonistes. Leurs dimensions verticale et horizontale, formelle et informelle, centrale et locale… s’entrechoquent et, en même temps, se complètent. Elles sont indissociables les unes des autres et forment ensemble l’unité que constitue toute organisation. Pour les appréhender, il faut penser de manière inclusive et non de façon exclusive, envisager le « ET » plutôt que le « OU ».

Ensuite, dans un environnement complexe, une organisation ne peut plus être pensée de manière globale comme un tout monolithique. Il est plus fécond d’appréhender les entreprises comme des agrégations de micro-organisations. D’une part, l’organisation d’une entreprise n’est pas uniforme. Elle est une mosaïque de multiples micro-organisations. D’autre part, chacune des micro-organisations est confrontée aux mêmes problématiques. En matière d’organisation, les questions sont universelles. Les réponses, elles, sont contingentes à un contexte d’action particulier.

Enfin, dans un monde où le changement est permanent, les entreprises ne peuvent plus réduire le design organisationnel à une boîte à outils à laquelle elles ont recourt pour se réorganiser dans le cadre de démarches ponctuelles. Le design organisationnel doit au contraire devenir une capacité d’action mobilisée de manière continue. Retenons ici deux idées.

La première concerne la différence entre de simples outils et une capacité d’action. Les outils sont génériques et non contextualisés. Ils sont produits à l’extérieur de l’entreprise, utilisés par les consultants et peu partagés. Ce faisant, ils ne sont pas marqués des traits les plus saillants de la culture d’une entreprise et ne sont pas intégrés à ses modes opératoires. Une capacité d’action, au contraire, résulte des pratiques internes à l’entreprise. Pour que le design organisationnel devienne une capacité d’action, l’entreprise doit non seulement se doter de ses propres outils et méthodes, mais également les intégrer dans ses pratiques par des processus et des dispositifs spécifiques.

La seconde idée questionne la nature de la capacité d’action « design organisationnel ». Cette dernière doit être mobilisée de manière continue et non de façon ponctuelle à l’occasion de réorganisations vécues comme des évènements brutaux et traumatisants. Il faut que cette capacité devienne une routine. Les entreprises doivent pratiquer le design organisationnel comme Monsieur Jourdain de la prose, c’est-à-dire sans le savoir.

Ce que vous trouverez dans cet ouvrage

Cet ouvrage est découpé en deux parties. La première est dédiée au design organisationnel : sa finalité, ses enjeux, son raisonnement et ses leviers. La seconde partie est, elle, consacrée à l’indispensable refondation du design organisationnel pour faire face au changement permanent. Pourquoi, dans un contexte de changement permanent, le raisonnement de l’alignement stratégique est-il caduc ? En conséquence, quels sont les ressorts et les conditions d’une refondation du design organisationnel ? Quelle forme concrète et opérationnelle cette refondation peut-elle prendre ?

Mais attention : la première partie n’est pas consacrée au monde d’hier et la seconde à celui de demain. Les leviers du design organisationnel, objets de la première partie de cet ouvrage, restent les pièces maitresses du dispositif refondé exposé dans la seconde partie. Dans un contexte de changement permanent, il convient cependant de les compléter de nouvelles notions, en particulier celle de polarité organisationnelle et, surtout, de les intégrer dans une démarche et un dispositif non plus statiques mais dynamiques.

Enfin, la conclusion aborde la question de l’agilité. Face au changement permanent, la finalité principale du design organisationnel change de nature. Il ne s’agit plus, en première intention, de concevoir des organisations permettant de déployer une vision stratégique particulière mais bien de développer l’agilité des organisations, quelle que soit leur nature.”

Si vous souhaitez lire la suite de l’ouvrage, il est accessible en cliquant ici.

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