Remettre le travail au cœur du management

Remettre le travail au cœur du management

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Le management vise à transformer du travail en performance, c’était l’objet du premier billet de ce blog. Nous en avons tous fait l’expérience : si on peut difficilement être performant sans travailler, on peut très bien travailler, même beaucoup, sans être performant. Les services les plus efficaces ne sont pas forcément ceux où l’on fournit le plus d’efforts. Dans d’autres, on s’agite beaucoup pour un résultat médiocre, des prestations dont l’utilité ou la qualité sont insuffisantes au regard de l’énergie dépensée.

Cependant, il semble que, compte tenu de l’évolution des environnements économique, technique, organisationnel et sociologique, ce soit moins la performance que le travail qui, aujourd’hui, pose problème au management et aux managers.

Un surinvestissement dans la mesure de la performance

Les contraintes de profitabilité et de productivité, qui s’imposent aux entreprises dans un monde global où la compétition est plus intense et où la finance tient une place plus importante, se concrétisent par une instrumentalisation plus poussée de la mesure de la performance. La logique “compte de résultat” est déclinée de plus en plus bas le long de la ligne managériale, y compris jusqu’au niveau de la maîtrise dans certains secteurs.

Ce mouvement s’accompagne d’une décentralisation du contrôle de gestion, pour se rapprocher des opérationnels qu’il est sensé servir, et, dans le même temps, d’une augmentation significative des exigences de reporting. Du coup, les managers passent un nombre d’heures significatif et croissant enfermés dans leur bureau devant leur ordinateur à manier des tableurs remplis de chiffres.

Sollicitations externes et multiplication des expertises

Si on ajoute à cela les sollicitations externes dont les managers sont l’objet (réunions, commissions, groupes de travail, équipes transverses,…), croissantes elles aussi compte tenu de la complexification des organisations, ils ont mécaniquement beaucoup moins de temps pour s’impliquer dans l’activité de l’unité dont ils ont la responsabilité.

Si, de surcroît, on croise ce manque de temps à la multiplication des expertises au sein d’une même équipe de travail (expertises que dans la majeure partie des cas les managers ne peuvent plus toutes posséder), on comprend mieux pourquoi ils se sont peu à peu éloigné des réalités quotidiennes de leurs équipes et ont progressivement abandonner le terrain de l’organisation du travail et le suivi de son exécution. Moins par goût que par nécessité ! En effet, en général, les managers adorent leur métier d’origine ; en témoigne le passage du faire au faire faire, rite souvent douloureux pour eux.

Trop de performance, plus assez de travail

Les managers surinvestissent la mesure de la performance, les réunions,… autant d’activités sans réel rapport avec le travail au quotidien. En s’en éloignant, ils en ont peu à peu perdu la maîtrise pour finir par ne plus être capables de l’effectuer eux-mêmes. Ce n’est cependant pas là que ce situe le problème dans la mesure où leur travail consiste plus à faire faire qu’à faire eux-mêmes. Mais, y compris pour faire travailler les autres, il faut un minimum de maîtrise technique des tâches à exécuter, un minimum d’imprégnation du travail à faire. Et c’est là que le bât blesse !

Ce minimum, compte tenu de leur positionnement dans les organisations d’aujourd’hui, les managers sont dans bien des cas dans l’incapacité de l’assurer. Du coup, leur problème réside moins dans la capacité à obtenir des performances de la part de leurs collaborateurs (puis de les mesurer et d’en rendre compte), que de les faire travailler correctement, de faire bien faire et de bien faire faire les choses.

Pas assez de managers, non plus !

Des voix commencent à s’élever en ce sens, issues notamment du débat sur les RPS (Risques Psycho Sociaux). Pour Yves Clot, par exemple, il ne peut pas y avoir de stratégies de « bien-être » déconnectées du « bien-faire ». Mathieu Detchessahar va dans le même sens quand il déclare que le management n’est pas le problème, mais la solution. Mais un management qui fait une place au travail, pas seulement à la mesure de la performance !

« Le leader fait les bonnes choses, le manager fait bien les choses ». C’est la distinction que Warren Bennis proposait de faire il y a une vingtaine d’années en soulignant que les entreprises avaient trop de managers et pas assez de leaders. Il semble qu’aujourd’hui la tendance se soit largement inversée !

7 COMMENTS

  1. Je vous conseille d’en parler avec Olivier RIVIERE et l’équipe d’ATOEM, de ma part…

    Bonne journée, bon travail, bonne humeur…
    Sans oublier la performance, donc l’efficience, en visant l’excellence (JJ Machuret..).

    Et mpaintenant, bon week end !

  2. Visitant votre blog, je me suis arrêtée sur ce billet…Excellent et approuvée la dernière phrase clarifiant les leaders et les managers…. L’art de bien faire les choses n’est en effet plus d’actualité et les managers privilégient – raisons économiques et d’efficacité obligent – la quantité à la qualité. Aujourd’hui les études indiquent qu’un des syndrômes du stress est de ne plus avoir le sentiment de “bien faire” son travail…Interet est passé par là…et le web 2 a débarqué…remettre l’humain et son enrichissement au centre du rôle du manager cela va prendre du temps …

  3. @ bouchut : merci de votre commentaire et de vos encouragements. Oui, cela va prendre du temps, tout à fait d’accord. En revanche, je pense que, de ce point de vue là, Internet et, notamment le 2.0, présentent au moins autant d’opportunités que d’inconvénients.

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