Transformer les procédures en lois

Transformer les procédures en lois

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Le modèle hiérarchique traditionnel vise la normalisation, la standardisation et la reproduction des comportements. Il ambitionne de produire un niveau de stabilité suffisant pour permettre la diminution des coûts unitaires de production et l’atteinte de standards de qualité prédéfinis, principaux avantages concurrentiels sur des marchés relativement stables et homogènes.

L’évolution des environnements économique, technologique et sociologique questionne la pertinence de ce modèle. Nombre d’entreprises sont en quête d’alternatives organisationnelles plus centrées sur l’adaptabilité que sur la stabilité. Ces alternatives, d’horizons variés, ont toutes un point commun : elles cherchent à officialiser et institutionnaliser l’autonomie de ceux qui “produisent” comme remède à la complexification des environnements. Le modèle hiérarchique traditionnel est essentiellement centré sur le contrôle, ses alternatives sur l’autonomie.

Mais comment faire ? En transformant les procédures de l’entreprise en lois, proposent les auteurs de deux ouvrages récents, chacun développant son argumentation sous un angle différent.

“Il n’y a pas d’autonomie tant que vous n’avez pas participé à l’élaboration de la norme à laquelle vous vous trouvez soumis”

C’est l’argument que mettent en avant Michel Hervé et Thibaud Brière, dans Le pouvoir au-delà du pouvoir, pour expliquer pourquoi l’officialisation et l’institutionnalisation de l’autonomie passent par la transformation des procédures en lois.

Leur raisonnement est simple : l’autonomie véritable désigne la soumission à une loi et non à une procédure, la soumission à soi-même et non à d’autres. Quand il obéit à une loi, tout se passe comme si le salarié n’obéissait qu’à lui-même, puisque celle-ci est supposée être l’expression de sa volonté, manifestée par sa participation. Quand il obéit à une procédure, il est soumis à une autre volonté que la sienne.

Une manière de faire est, comme je l’ai proposé dans un billet précédent et comme cela fonctionne déjà largement au sein de l’entreprise Hervé Thermique, d’utiliser le wiki pour définir les procédures de façon collaborative et, ce faisant, leur donner le statut de lois.

“Définir ce qui est interdit, plutôt que ce qui est autorisé”

Dominique Dupagne, dans La revanche du rameur, aborde le même sujet sous un angle différent, mais complémentaire. La loi définit essentiellement ce qui est interdit, la procédure ce qui est autorisé.

La différence est, pour l’auteur, fondamentale. Je le cite : “Définir ce qui est interdit laisse une assez grande liberté pour s’adapter au réel, pour innover, pour faire preuve d’imagination. Avec une définition de ce qui est autorisé, ou tout au moins vivement recommandé, la liberté d’action est brutalement restreinte à un dénominateur commun sclérosant. L’homme est transformé en machine dépendante de celui qui la programme.”

Un autre mix contrôle / autonomie

Le modèle hiérarchique traditionnel, fondation de nos organisations, est centré sur le contrôle (au point que les anglo-saxons le nomment “command & control”). Certains de ses militants ont même imaginé supprimer toute autonomie. La sociologie des organisations, française en particulier, nous a heureusement rappelé régulièrement que c’était un fantasme. Dans toute organisation, il reste toujours du jeu (“slack” disent les anglo-saxons) qui permet de trouver ou retrouver de l’autonomie, fut-elle clandestine.

Les alternatives au modèle hiérarchique traditionnel, comme par exemple la Team-Based Organization que j’ai évoquée dans plusieurs billets (ici, ici ou encore ici), sont centrées sur un autre mix contrôle / autonomie. La seconde prend le pas sur le premier, c’est même le moteur du système, ce qui en fait sa principale qualité : l’adaptation. Le contrôle ne disparaît pas complètement, mais devient plutôt un auto-contrôle.

De ce point de vue-là, transformer les procédures en lois est une piste de réflexion et d’action intéressante. L’autonomie clandestine devient officielle et reconnue et le contrôle se transforme en auto-contrôle.

1 COMMENT

  1. […] Le modèle hiérarchique traditionnel vise la normalisation, la standardisation et la reproduction des comportements. Il ambitionne de produire un niveau de stabilité suffisant pour permettre la diminution des coûts unitaires de production et l’atteinte de standards de qualité prédéfinis, principaux avantages concurrentiels sur des marchés relativement stables et homogènes.  […]

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