Ce que pouvoir veut dire

Selon certains auteurs, et comme je l’ai abordé dans des articles précédents, le leadership peut s’apparenter à l’art d’amener des personnes à accomplir une tâche volontairement. Peut-être ! Mais ne faut-il faut pas s’entendre sur le sens du mot « volontairement » ? Après le succès de notions telles que la motivation ou encore la culture d’entreprise, il ne faudrait pas voir dans le leadership une nouvelle tentative d’écarter la notion de pouvoir. Ce n’est pas parce que le leader ne contraint pas qu’il n’exerce pas de pouvoir.

Une notion étrangement absente de la littérature managériale

A quelques exceptions près , la notion de pouvoir est étrangement absente des approches traditionnelles, dans la lignée d’ailleurs de l’ensemble de la littérature managériale. Les raisons du silence sur les relations de pouvoir, les sociologues des organisations ont plusieurs fois attiré notre attention sur ce sujet, proviennent avant tout de nos attitudes morales. Avoir du pouvoir, recourir au pouvoir,… est encore considéré comme forcément immoral. Or, pourtant, il n’y a pas de management sans l’exercice d’un pouvoir.

Le mot pouvoir a longtemps été et est encore considéré comme inconvenant fait remarquer Rosabeth Moss Kanter. Les attitudes ancrées dans notre culture expliquent pour une large part le refus de la littérature managériale de prendre en compte cette réalité, préférant l’ignorer ou même l’occulter. Pourtant, comme toujours dans ce genre de problème, le pouvoir n’est ni moral ni immoral en soi. C’est l’usage qui en est fait qui exige la réflexion morale.

L’une des composantes de nos relations

Le pouvoir, lui, est une réalité, l’une des composantes de nos relations. En parler, l’analyser, le prendre en compte en tant que réalité, ne peut que nous aider à éviter erreurs et fausses interprétations. Beaucoup d’idées fausses se sont diffusées parce qu’on n’a pas pris en compte cette réalité. C’est bien aussi le cas concernant le leadership. Mobiliser dans une direction donnée, c’est exercer un pouvoir. Cependant, aller plus loin nécessite de plonger dans les méandres de cette notion souvent si mal comprise.

Le pouvoir de A est sa capacité d’obtenir que B fasse quelque chose qu’il n’aurait pas fait autrement précise Robert Dahl. Le pouvoir n’est pas un bien accumulable qu’on utilise à certains moments. On n’a pas de pouvoir dans l’absolu, mais sur quelqu’un. Le pouvoir est l’un des aspects d’une relation entre deux personnes, entre une personne et un groupe, entre deux groupes. Le pouvoir n’est pas un attribut, mais une capacité à exercer une influence, à obtenir quelque chose de la part de quelqu’un.

L’inverse de la dépendance

L’autre aspect du pouvoir est la dépendance. Dans une relation, il n’y a en fait qu’un seul mécanisme symétrique pouvoir/dépendance. A a du pouvoir sur B car B dépend de A, a besoin de A pour faire quelque chose, atteindre un objectif ou encore satisfaire un de ses besoins. Si B ne dépend d’aucune manière de A, celui-ci n’a aucun pouvoir sur lui. Dès que B dépend de A pour atteindre ses buts, A a du pouvoir sur lui. Il sait qu’il devra se conformer à sa volonté en fonction de l’importance de ses buts. Le pouvoir, c’est l’inverse de la dépendance. A a du pouvoir sur B, car il détient quelque chose dont B a besoin, qui compte pour lui et a de la valeur à ses yeux. B dépend donc de A.

Le pouvoir est évolutif. On a du pouvoir dans une relation donnée à un moment précis du temps. Si le contexte change, le pouvoir d’une des deux parties sur l’autre peut devenir caduc et la relation de pouvoir basculer. Le pouvoir ne s’accumule pas, mais caractérise une relation à un moment donné. Quelqu’un a du pouvoir sur quelqu’un d’autre, puis, le contexte se modifiant, la relation entre les deux parties se transforme. Le pouvoir du premier sur le second peut avoir disparu ou, au contraire, se trouver accru.

D’où vient le pouvoir ? Qu’est-ce qui donne du pouvoir à quelqu’un sur quelqu’un d’autre ? Voilà de beaux sujets de réflexion pour de futurs articles !