Une notion semble commune à l’ensemble des NFO (Nouvelles Formes d’Organisation) : l’auto-organisation. Cette caractéristique leur permet de faire face à un fort niveau de complexité induit par des environnements plus turbulents et moins prévisibles. Mais l’auto-organisation est également source de beaucoup de confusion. Essayons d’y voir un peu plus clair !
Des équipes comme unités organisationnelles de base
A la manière des cellules du corps humain, les plus petites unités des entreprises qui cherchent à développer leur auto-organisation sont des équipes. Ces dernières regroupent un ensemble d’activités ou de rôles qui permettent d’atteindre un même objectif. Deux propriétés principales en découlent.
D’une part, le premier niveau organisationnel est collectif (et non individuel) et ne se réduit pas à la somme de ses composants. Tous les pratiquants d’un sport collectif le savent très bien : ce n’est pas toujours l’équipe qui possède les meilleurs joueurs qui gagne. La performance collective ne se réduit pas à la somme des performances individuelles. Une équipe produit ce que les systémiciens appellent des émergences, c’est-à-dire qu’elle possède des caractéristiques dont aucun de ses composants ne dispose seul. Au sein d’une équipe, l’individualisation de la performance n’est pas seulement contreproductive. C’est un non-sens, la performance étant toujours collective.
D’autre part, les équipes ne sont pas des pyramides hiérarchiques, comme on en trouve dans les modèles organisationnels classiques. Une équipe se différencie d’une pyramide hiérarchique de deux manières. La première concerne la responsabilité de la performance. Dans une pyramide hiérarchique, la responsabilité de la performance collective est individuelle. Le manager est responsable d’une performance en grande partie produite par d’autres personnes que lui, ses collaborateurs. Dans une équipe, la responsabilité de la performance collective est collective. Les membres de l’équipe sont mutuellement responsables de sa performance.
La seconde différence entre une pyramide hiérarchique et une équipe concerne l’autorité. Dans une pyramide hiérarchique, la relation d’autorité entre le manager et ses collaborateurs est asymétrique. Dans une équipe, au contraire, l’autorité est répartie entre l’ensemble des coéquipiers. On passe du système du « père » au système des pairs. Dans une équipe, il n’y a donc pas de manager en position hiérarchique. Les rôles de management sont partagés entre les coéquipiers à moins qu’ils décident collectivement de les assigner à l’un d’eux. Mais c’est leur décision et celle de personne d’autre. Emerge alors un leader au sein de l’équipe. Quelle différence y-a-t-il entre un manager et un leader ? Le premier est nommé par l’institution et, à ce titre, bénéficie d’une autorité statutaire associée à sa fonction. Le second est coopté par ses pairs et jouit d’une autorité personnelle librement consentie. Les collaborateurs sont au service de leur manager alors que le leader est au service de ses coéquipiers.
Auto-organisation ne veut pas dire auto-gestion
Les équipes sont auto-organisées. Cela veut dire qu’elles bénéficient d’une autonomie. Une équipe qui ne fait qu’appliquer des directives n’est pas autonome. A l’opposé, il n’existe pas non plus d’équipe qui n’en fait qu’à sa tête, à qui on signe un chèque en blanc. Sur quoi porte l’autonomie dont bénéficie une équipe auto-organisée ?
L’autonomie porte sur tout ce qui concerne la manière dont les coéquipiers vont s’y prendre pour réaliser le travail assigné à l’équipe à partir des ressources mises à leur disposition. Mais cette autonomie ne concerne ni ce sur quoi ils travaillent, ni le type et la quantité de ressources qu’ils peuvent mobiliser pour réaliser ce travail. Dit autrement, une équipe auto-organisée ne veut pas dire une équipe auto-gérée. Son autonomie s’arrête aux bornes de son organisation. Le contenu du travail et les ressources allouées pour le réaliser sont négociées avec le ou les « clients » de l’équipe.
L’autonomie des équipes porte sur leur capacité à s’organiser sans intervention externe. Mais au-delà de ce principe de base, que signifie l’auto-organisation d’une équipe ? Un petit détour par la biologie, discipline à l’origine de la notion, ne me paraît pas inutile. « L’auto-organisation est un mécanisme ou un ensemble de mécanismes par lesquels des structures sont produites au niveau global d’un système à partir d’interactions entre ses constituants à un niveau d’intégration inférieur » précise Henri Atlan dans l’ouvrage qu’il consacre à l’auto-organisation. Plus loin, il précise que les relations établies par l’auto-organisation entre les niveaux supérieur et inférieur « (…) ne sont pas triviales, au sens où l’on ne peut pas prédire facilement le résultat global à partir du seul examen des propriétés individuelles. Au contraire, (…) des interactions simples au niveau microscopique peuvent produire, au niveau macroscopique, des comportements complexes et imprévus éventuellement adaptés à des situations nouvelles ».
Les interactions entre les membres d’une équipe auto-organisée dotent cette dernière d’une capacité lui permettant de faire face à des imprévus. On fait donc le pari que, pour atteindre un objectif, compte tenu des caractéristiques de la situation, ce sont les membres des équipes qui sont les mieux placés pour savoir comment s’y prendre. Ainsi, pour être capables de faire face à un degré de complexité important lié notamment à l’incertitude et à l’imprédictibilité, les équipes sur lesquelles repose les NFO ne peuvent être qu’auto-organisées. L’auto-organisation est consubstantielle aux NFO. C’est même leur attribut fondamental.
Trois types d’équipes
Toutes les équipes ne sont pas de même nature. On peut en distinguer trois types selon leur fonctionnalité. Les équipes opérationnelles, d’abord ! Centrées sur un objet clairement identifiable, elles participent directement à la création de valeur en transformant des inputs en outputs. Les équipes opérationnelles sont organisées selon une logique divisionnelle. Elles regroupent un ensemble de compétences différentes qui appartiennent à un même processus et qui concourent à produire le ou les résultats dont elles sont redevables.
Les équipes fonctionnelles, ensuite ! Transverses aux équipes opérationnelles, elles ne regroupent, elles, qu’un seul type de compétences. Comme leur nom l’indique, elles sont organisées selon une logique fonctionnelle. Elles permettent la circulation des compétences entre les équipes opérationnelles mais également les économies d’échelle, la mutualisation d’expertises et la capitalisation de bonnes pratiques.
Les équipes d’animation, enfin ! Elles facilitent le travail des équipes opérationnelles et fonctionnelles et donnent une âme à l’entité de rang supérieur qui les regroupe.
Des prolongements de ce billet se trouvent dans mon dernier ouvrage “S’inspirer du vivant pour organiser l’entreprise” consacré à l’organisation cellulaire. Vous pouvez accéder à une présentation détaillée de l’ouvrage en cliquant ici.