Agilité organisationnelle : au-delà des idées reçues

Agilité organisationnelle : au-delà des idées reçues

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Le terme agilité vient du combat aérien et qualifie, au départ, la capacité à changer de manœuvre dans le temps. Il a pris son essor dans le domaine du développement informatique grâce, notamment, au fameux Agile Manifesto. Compte tenu des enjeux que les organisations doivent relever, il s’y applique avec beaucoup de pertinence. Les démarches organisationnelles se revendiquant de l’agilité sont nombreuses et variées. Cependant, comme souvent, la profusion produit davantage de confusion que de clarification. Essayons d’y voir un peu plus clair !

L’agilité, ce n’est ni la réactivité ni l’agitation

J’entends certains de mes interlocuteurs employer de manière indifférente réactivité et agilité. C’est fâcheux ! Pourquoi ? La réactivité n’est qu’une des facettes de l’agilité qui nécessite aussi de la proactivité. Sans cette dernière, une organisation ne fait que répondre aux urgences en s’adaptant à des évolutions d’environnement qu’elle subit. Etre proactif, c’est se donner un temps d’avance en anticipant les évolutions de manière à être prêt à y faire face au moment où elles surviennent. L’agilité nécessite ainsi d’être capable de faire un pas de côté pour s’extraire, un temps au moins, de la spirale de l’action. Dans la notion d’agilité, il y aussi l’idée de la prise de recul.

Par ailleurs, je constate que certaines entreprises confondent alégrement agilité et agitation. Tout le monde y bouge tout le temps dans tous les sens. Mais, au bout d’un moment, plus personne n’a en tête la direction à emprunter si bien que le mouvement des uns finit par neutraliser celui des autres. On dépense beaucoup d’énergie pour, au total, être relativement peu productif. Dans la notion d’agilité, il y a bien l’idée du mouvement permanent et continu. Mais il y a aussi celle d’une direction commune et partagée.

Il n’y a pas d’agilité sans stabilité

De mon point de vue, l’iphone est un objet très agile. Grâce aux applications qu’il permet de télécharger et de supprimer facilement et rapidement, son contenu est modulable, modifiable et reconfigurable en fonction de l’évolution des goûts et des besoins. Je peux m’amuser, si je le souhaite, à changer d’iphone tous les jours en supprimant les applications utilisées la veille et en en téléchargeant de nouvelles que je supprimerai le lendemain pour en télécharger d’autres, ainsi de suite de manière infinie.

Comment cela est-il rendu possible ? D’abord et avant tout grâce à un système d’exploitation, l’IOS, qui, lui, est d’une grande stabilité et qui n’évolue que de manière incrémentale. Même si cela n’est pas très intuitif, la stabilité est l’une des conditions majeures de l’agilité. C’est elle qui permet la modularité. Sans stabilité, point d’agilité !

Les 2 logiques organisationnelles de base

Il y a deux logiques organisationnelles de base (voir mon billet à ce sujet) qui correspondent aux deux modes de division du travail et, autre face de la même pièce, aux deux modes de regroupement des activités en unités.

La logique fonctionnelle, d’une part, qui invite à diviser le travail à partir des fonctions et qui vise à regrouper au sein d’une même entité les activités qui relèvent de la même fonction. La logique divisionnelle, d’autre part, qui invite à diviser le travail autour des résultats et qui, ainsi, vise à regrouper au sein d’une même entité les activités concourant à produire un même résultat et appartenant à un même processus.

Chaque logique possède des avantages propres. La logique fonctionnelle favorise les économies d’échelle, les mutualisations de moyens et le développement des expertises techniques. La logique divisionnelle, elle, permet la responsabilisation, le développement de l’autonomie et la réponse différenciée à des besoins spécifiques.

L’agilité au cœur des deux logiques organisationnelles

Une organisation est agile quand elle arrive à faire cohabiter de manière harmonieuse les deux logiques organisationnelles. Elle obtient de la modularité grâce à la logique divisionnelle et de la stabilité par l’intermédiaire de la logique fonctionnelle.

Prenons l’exemple de ce cabinet conseil qui est organisé autour de 3 centres d’expertise : organisation, système d’information et gestion des ressources humaines. Dans une logique fonctionnelle, les centres sont pilotés par un directeur dont les rôles principaux sont (1) le développement d’une expertise particulière, (2) la production de méthodologies et (3) la montée en compétences des consultants qui lui sont hiérarchiquement rattachés.

Le cabinet a nommé des directeurs de marché. Centré sur un secteur d’activité particulier (industrie, banque & assurance, entreprises publiques…) et dans une logique divisionnelle, leur rôle consiste à élaborer des offres génériques et à répondre aux appels d’offre. Pour ce faire, ils mobilisent les consultants de manière ponctuelle en fonction de leurs besoins.

Enfin, quand le cabinet gagne un contrat, il nomme un directeur de projet en charge de délivrer la prestation vendue dans le respect des engagements pris. Dans une logique divisionnelle, le directeur de projet bâtit son équipe en mobilisant les consultants qui détiennent les compétences nécessaires au bon déroulement du projet.

Les centres d’expertise constituent la dimension stable de cette organisation. Ils permettent le développement de véritables expertises et la montée en compétence qui nécessitent du temps. La logique divisionnelle, présente au niveau de l’élaboration des offres et de la réalisation des prestations, offre, elle, une grande modularité permettant de faire face à l’évolution des marchés et des besoins des clients.

Une fonction managériale partagée

Dans une organisation agile, la fonction de management n’est pas dupliquée, comme dans nombre d’organisations matricielles qui ne fonctionnent dans la douleur, mais partagée.

Les managers fonctionnels et divisionnels ne jouent pas le même rôle. Les premiers sont centrés sur le développement des compétences, les seconds sur la production de résultats opérationnels.

Ils ne mobilisent pas non plus les mêmes compétences et n’adoptent pas les mêmes postures. Les managers fonctionnels jouent un rôle de coach, de référent ou encore de mentor. Les managers divisionnels, eux, sont centrés sur le pilotage et la satisfaction client.

Des prolongements de ce billet se trouvent dans mon dernier ouvrage “S’inspirer du vivant pour organiser l’entreprise” consacré à l’organisation cellulaire. Vous pouvez accéder à une présentation détaillée de l’ouvrage en cliquant ici.

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