Les polarités organisationnelles : seconde partie

Les polarités organisationnelles : seconde partie

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Dans la première partie de ce billet, en m’appuyant sur les enseignements du Yin-Yang, j’ai proposé de considérer que le design organisationnel devait moins résoudre des problèmes que gérer des polarités.

Barry Johnson nous fournit un outil très pratique pour gérer la polarité de chacun des couples de forces en tension que constituent les cinq paramètres de conception d’une organisation (voir mon billet consacré aux cinq paramètres de conception) : le Polarity Management.

La cartographie d’une polarité

Pour chacun des cinq paramètres de conception (l’allocation de l’autorité, le regroupement des activités, l’orientation de l’action, la responsabilité de la performance et la régulation des comportements), c’est-à-dire chacun des cinq couples de forces en tension, il s’agit de construire un tableau comportant deux lignes, deux colonnes et donc quatre cadrans conformément à la figure ci-dessus. La colonne de gauche représente la première des deux forces du couple choisi, la colonne de droite la force opposée. Dans la ligne supérieure figurent les avantages organisationnels tirés de chacune des forces quand elles sont en équilibre (quand leur dimension complémentaire l’emporte sur leur aspect antagoniste et que leur tension reste latente), c’est-à-dire quand le dosage entre les deux forces est adapté aux facteurs de contingence. Dans la ligne inférieure sont précisés les dysfonctionnements organisationnels issus de chacune des forces quand elles sont en déséquilibre (leur dimension antagoniste l’emporte sur leur aspect complémentaire, la tension entre elles devenant ainsi manifeste), c’est-à-dire quand le dosage entre les deux forces n’est plus adapté au contexte d’action de l’organisation.

En particulier dans un contexte de changement permanent, c’est-à-dire quand on n’a pas achevé une réorganisation qu’il faut déjà amorcer la suivante, le design organisation consiste moins à résoudre des problèmes (décentraliser ou centraliser par exemple) qu’à gérer la polarité de chacun des cinq paramètres de conception. Il s’agit de trouver en fonction des moments le juste équilibre entre la centralisation et la décentralisation au regard des caractéristiques du contexte d’action de l’organisation de manière à ce que la tension entre les deux forces reste latente et ne devienne pas manifeste. Latente, la tension permet à l’énergie d’irriguer les interactions entre les composants du système de manière à ce qu’ils atteignent le but escompté. Manifeste, la tension empêche l’énergie de circuler et ne permet plus aux composants du système d’interagir suffisamment correctement pour que, ensemble, ils atteignent le but recherché.

Un mouvement perpétuel

Quand l’organisation se trouve dans le cadran inférieur droit du couple centralisation/décentralisation, cela veut dire que, compte tenu des facteurs de contingence du moment auxquels elle est soumise, le niveau de centralisation de certains processus de décision est trop fort et entre en déséquilibre avec le niveau de décentralisation requis. Ce déséquilibre transforme la tension latente, entre les deux forces, en tension manifeste qui se traduit par des dysfonctionnements organisationnels. Les résoudre consiste à mettre en place des actions visant à accroître la décentralisation et/ou à réduire la centralisation de certains processus permettant ainsi de passer du cadran inférieur droit au cadran supérieur gauche. Une fois ce dernier atteint, l’organisation permettra de retrouver un équilibre entre les deux forces (la tension redeviendra latente) et de tirer parti des avantages de la décentralisation dans sa complémentarité avec la centralisation.

En poursuivant ce même mouvement, l’organisation basculera inévitablement dans le cadran inférieur droit, c’est-à-dire que la décentralisation aura dépassé sa borne, les deux forces se trouveront alors à nouveau en déséquilibre. Les dysfonctionnements organisationnels seront à ce moment-là liés aux inconvénients générés par un trop fort niveau de décentralisation aux dépens du niveau de centralisation requis par les facteurs de contingence.

Il sera alors nécessaire d’envisager des actions visant à augmenter la centralisation et/ou à réduire la décentralisation pour passer du cadran inférieur droit au cadran supérieur gauche. En poursuivant ce même mouvement, l’organisation reviendra nécessairement à un moment ou à un autre au point de départ de notre exemple, c’est-à-dire au cadran inférieur droit.

Des polarités plus ou moins bien gérées

Ce mouvement entre les quatre cadrans est donc infini. En cela, le design organisationnel dans un contexte de changement permanent consiste à gérer la polarité des couples de forces en tension et non à résoudre des problèmes. Mais ces polarités peuvent être plus ou moins bien gérées. Une polarité bien gérée se traduit par le fait que l’organisation passe l’essentiel de son temps dans les cadrans supérieurs, ceux qui permettent de tirer parti des avantages issus de la complémentarité entre les deux forces organisationnelles, et un temps réduit dans les deux cadrans inférieurs où surgissent des dysfonctionnements organisationnels liés à la dimension antagoniste des deux forces opposées.

Bien gérer la polarité d’un couple de forces organisationnelles nécessite ainsi de : (1) identifier le plus rapidement possible quand une force du couple dépasse sa borne ; (2) déclencher le mouvement inverse pour faire disparaître les dysfonctionnements liés à l’aspect antagoniste des deux forces et retrouver les avantages organisationnels associés à leur complémentarité.

Cet article est un extrait de mon ouvrage “L’organisation en mouvement. Adopter le changement permanent” accessible en cliquant ici.

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