L’intelligence organisationnelle : le nouveau défi des entreprises

L’intelligence organisationnelle : le nouveau défi des entreprises

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La complexification du monde nécessite que les entreprises relève le défi de l’intelligence organisationnelle. Par intelligence organisationnelle, il ne s’agit pas de qualifier l’intelligence de l’organisation ni l’aptitude d’une personne à bien s’organiser pour travailler de manière efficace. Par intelligence organisationnelle, nous entendons, dans ce billet, la capacité des individus à tirer le meilleur parti du potentiel de l’organisation de leur entreprise. Cette capacité passe à la fois par :

  • la compréhension de ce que l’on attend d’eux et de la manière dont leur rôle est connecté à un « tout » qui les dépasse ;
  • l’optimisation des relations de coopération avec les parties prenantes de leur fonction ;
  • l’exploitation de leur latitude d’action pour procéder aux ajustements et aux aménagements des aspects formels de l’organisation.

Alignement stratégique : nécessaire mais plus suffisant

Une organisation est un moyen de mettre en œuvre un projet nécessitant une action collective. Elle n’est pas une fin en soi. Ainsi, elle n’est pas bonne ou mauvaise dans l’absolu. Elle présente des avantages et des inconvénients au regard du projet qu’elle sert et des caractéristiques de son environnement. L’organisation d’une entreprise produit donc de la performance si elle est en harmonie avec sa vision stratégique. Les designers organisationnels parlent alors du degré d’alignement stratégique d’une organisation (voir mon premier et second billets sur le sujet).

L’alignement stratégique est une condition nécessaire mais pas suffisante de la performance d’une organisation. Il faut en plus que ses « habitants », les salariés de l’entreprise qui vont mettre en œuvre sa vision stratégique, se l’approprient.

Au sein d’une organisation, les individus doivent comprendre leur rôle mais également celui de ceux avec lesquels ils sont amenés à collaborer. Il faut aussi qu’ils soient capables d’appréhender la logique par laquelle les rôles sont à la fois connectés entre eux et au « tout » que constitue l’organisation globale de l’entreprise.

Par ailleurs, les salariés d’une entreprise ne se cantonnent pas à mettre en œuvre passivement l’organisation conçue par leur direction et par les spécialistes du design organisationnel. Même dans les organisations les plus prescrites, les sociologues ont montré depuis longtemps que les individus bénéficient toujours d’un minimum d’autonomie et de latitude d’action. Cette marge de manœuvre, même quand elle est officieuse, est une condition indispensable au bon fonctionnement des organisations. Elle permet aux individus de compléter les prescriptions formelles, de les aménager, voire de les modifier pour les adapter aux fluctuations et aux évolutions de leur environnement.

L’appropriation des organisations pose aujourd’hui problème

Et c’est bien là qu’aujourd’hui le bât blesse : l’appropriation de l’organisation des entreprises par leurs « habitants » pose problème. Pourquoi ? L’organisation des entreprises s’est énormément complexifiée lors des deux dernières décennies : matrice à deux, trois, voire quatre dimensions (structure fonctionnelle et, en même temps, divisions par produits, par clients et par zones géographiques) ; inflation du nombre de KPIs (Key Performance Indicators) ; ajout de processus et de projets transverses aux silos verticaux ; multiplication du nombre de comités, commissions et groupes de travail ; développement des réseaux et des communautés de pratiques ; etc. Du coup, ce qui relevait hier de l’évidence ou de l’explication triviale nécessite, aujourd’hui, une véritable capacité de décryptage et de décodage organisationnel.

Les organisations en « râteau », qui se représentent par un simple organigramme, ne sont plus la règle mais l’exception. Nombre d’organisations multidimensionnelles sont aujourd’hui tellement complexes qu’il est impossible de les représenter graphiquement et donc de les visualiser. Appréhender convenablement sa place et son positionnement en leur sein exige alors d’importantes capacités d’abstraction et parfois même des trésors d’imagination.

Là où l’organisation est sensée favoriser l’action, elle est devenue parfois tellement complexe que, au contraire, elle génère de l’ambiguïté, du flou et de la contradiction qui compliquent la prise de décision : « Les orientations stratégiques n’arrêtent pas de changer ; du coup, mes objectifs ne sont pas clairs et je ne sais plus vraiment qui fait quoi, qui rapporte à qui ; je ne sais même pas exactement combien j’ai de chefs ; avec mon N+1, on vient juste d’achever ma définition de fonction et, pourtant, elle est déjà caduque ; j’ai perdu toute autonomie et, en même temps, on me demande de faire preuve d’initiative ; je ne sais plus à quel saint me vouer. »  L’organisation peut parfois devenir le cœur du problème.

D’un jeu « perdant/perdant » à une démarche « gagnant/gagnant »

Les salariés ont alors le sentiment d’être autant sur-occupés que sous-utilisés. Ils perdent beaucoup de temps à essayer de comprendre ce que l’on attend d’eux mais n’y parviennent jamais complétement. Par ailleurs, ils ne trouvent plus de marges de manœuvre pour mettre en œuvre toute une partie de leurs compétences, ce qui est à la fois frustrant pour eux et handicapant pour l’entreprise. Après le « burn-out » et le « bore-out » émerge alors une nouvelle pathologie organisationnelle : le « brown-out » liée à l’incompréhension, voire à l’absurdité du travail à réaliser.

En définitive, un jeu « perdant/perdant » s’installe durablement de manière préoccupante : d’un côté, des salariés désemparés et, donc, désengagés ; de l’autre, une baisse de la productivité et un manque d’agilité qui se traduisent par une diminution de la performance parfois préjudiciable à la pérennité même de l’entreprise.

Une meilleure compréhension de leur rôle et une optimisation de leur latitude d’action développeraient le « bien-être » et le « bien-vivre » des salariés au travail et, en même temps, accroîtraient la performance de leur entreprise. Le développement de l’intelligence organisationnelle ? Une démarche « gagnant/gagnant » en quelque sorte !

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