Stabilité et changement : les deux faces d’une même pièce

Stabilité et changement : les deux faces d’une même pièce

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Abaisser les coûts unitaires de production et garantir un standard de qualité prédéfini par la conformité et la reproduction à l’identique des comportements : tel est le but du modèle hiérarchique traditionnel ! Il s’agit de routiniser le fonctionnement de l’organisation de manière à obtenir la stabilité la plus pérenne possible aussi longtemps que les caractéristiques de l’environnement restent inchangées. Dit autrement, le modèle hiérarchique traditionnel produit une organisation stable congruente à un moment donné t du temps avec les caractéristiques économiques, technologiques et sociologiques de l’environnement de l’entreprise.

Le modèle hiérarchique traditionnel produit donc, non pas de l’adaptabilité, mais de la stabilité. C’est la raison pour laquelle il comporte un second volet que l’on nomme couramment aujourd’hui conduite du changement. Quand l’organisation que l’on s’est employé à stabiliser n’est plus suffisamment congruente avec son environnement, il faut en changer, c’est-à-dire passer d’un état organisationnel A à un autre état organisationnel B à travers un processus C dit de conduite du changement.

Changer, c’est déstabiliser puis re-stabiliser

Kurt Lewin, père de la psychologie sociale et de la dynamique des groupes, nous invite à penser le changement comme un processus composé de trois moments :

  • Le dégel qui constitue la prise de conscience de la nécessité et/ou de l’intérêt de changer ;
  • Le mouvement qui vise le passage de A en B ;
  • La cristallisation qui consiste à pérenniser les comportements pour éviter de revenir au point de départ.

Dans son acceptation classique au moins, changer consiste ainsi à déstabiliser une organisation, en concevoir une autre plus congruente avec les caractéristiques de l’environnement, puis la re-stabiliser. On a donc à conduire le changement parce qu’on a au préalable, à travers la mise en œuvre des principes du modèle hiérarchique traditionnel, produit de la stabilité. Et plus on a réussi, c’est-à-dire plus la stabilité est importante, plus la conduite du changement sera difficile et compliquée.

La stabilité la règle, le changement l’exception

La conduite du changement, qui constitue le second volet du modèle hiérarchique traditionnel, est absente de sa conception originelle. Pourquoi ? Tout simplement parce que, au début du XXième siècle, les environnements étaient suffisamment stables pour que les organisations n’aient pas à changer pendant plusieurs décennies. Du coup, le changement ne figurait pas au registre des problèmes que le management devait résoudre.

Ce second volet apparaît seulement quand les environnements devenant plus turbulents le rythme des changements à conduire s’accélère. Le changement devient alors suffisamment fréquent pour que l’entreprise se préoccupe de développer un corps de savoirs et de savoir-faire spécifiques pour le conduire dans les conditions requises par leur univers concurrentiel. Un quatrième larron, Kurt Lewin, vient alors compléter la bande des trois pères fondateurs (Henri Fayol, Frederick Taylor et Max Weber) du modèle hiérarchique traditionnel.

L’adaptabilité la règle, la reproduction l’exception

Il semble que, dans certains secteurs au moins, nous ayons franchi un cap important : la fréquence du changement (l’espace de temps qui sépare deux modifications de l’environnement nécessitant un changement d’organisation) devient plus courte que la durée du changement (le temps qu’il faut à l’organisation pour changer). On ne peut donc plus appréhender le changement comme le passage d’un état stable à un autre état stable. Sinon on n’a pas fini de changer, c’est-à-dire de re-stabiliser l’organisation, qu’il faut à nouveau changer.

Ce phénomène fait dire à certains que le changement est devenu permanent. Mais il devrait surtout signer l’arrêt de mort du modèle hiérarchique traditionnel et nous inviter à penser une alternative centrée non pas sur la stabilité, mais sur l’adaptabilité. Ce qui rend le modèle hiérarchique traditionnel obsolète, c’est moins le fonctionnement qu’il produit, que son incapacité à changer dans des délais compatibles avec les règles du jeu concurrentiel.

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