Comment accompagner les managers dans le développement de leur leadership ?

Comment accompagner les managers dans le développement de leur leadership ?

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Cet article fait suite à un billet qui abordait les raisons pour lesquelles les managers devaient développer leur leadership.

Des démarches incomplètes

Les démarches mises en œuvre par les entreprises pour permettre aux managers de développer leur leadership sont exclusivement centrées sur l’acquisition de compétences comportementales et relationnelles, ce que l’on appelle couramment des savoir-être par opposition aux savoirs et aux savoir-faire. Cela est nécessaire, mais pas suffisant. Ces démarches, le plus souvent individuelles, font abstraction des interactions entre le manager et ses collaborateurs, et notamment du lien de subordination. Le manager exerce son leadership dans un contexte particulier qui est assimilable ni à celui des dirigeants ni à celui des groupes informels étudiés par les psychosociologues.

Prendre en considération que le leadership d’un manager s’exerce dans le cadre d’une relation de subordination conduit à faire deux constats.

Respecter le principe de parité entre l’autorité et la responsabilité

Pour que le manager puisse développer son leadership, il ne doit pas y avoir de décalage trop important entre ses responsabilités et le pouvoir statutaire. Les différentes formes de pouvoir se complètent, voire se renforcent, mais ne se substituent pas les unes aux autres. Le pouvoir personnel peut renforcer le pouvoir statutaire, et réciproquement, mais l’un ne peut pas remplacer l’autre. Concernant les managers, il semble que dans bien des cas, c’est là que le bât blesse. En effet, on demande à un manager de développer son leadership (ou bien on lui fait savoir qu’il n’est pas suffisant), là où en fait, pour des raisons organisationnelles indépendantes de sa personne, on ne lui a pas alloué suffisamment de pouvoir statutaire.

C’est très souvent le cas lorsque le principe de parité entre la responsabilité et l’autorité n’est pas respecté, comme dans l’exemple des chefs de rayon exposé plus haut. On rejette la faute sur le manager, un bouc émissaire bien commode, alors que le problème est d’abord de nature organisationnelle. Agir ainsi culpabilise le manager mais n’aide en rien à résoudre le problème. En effet, pour un manager, il est extrêmement difficile, voire impossible, de développer son leadership quand son pouvoir statutaire est en décalage avec ses responsabilités. Il n’est pas crédible aux yeux de ses collaborateurs. De leur point de vue, quelque chose ne « colle » pas. Dans cette situation d’incohérence, le manager part avec un handicap souvent insurmontable, quelles que soient par ailleurs ses compétences comportementales et relationnelles. Ce n’est pas un problème de dispositions personnelles, mais de situation. Les fondations de cette dernière ne sont pas suffisamment solides pour qu’il puisse réellement devenir un leader.

Entrer dans un cercle vertueux, éviter le cercle vicieux

Si les pouvoirs statutaire et personnel peuvent se renforcer, ils peuvent aussi se contredire. Le manager doit construire un cercle vertueux entre ces deux formes de pouvoir en évitant le cercle vicieux. Cela ne se fait pas tout seul. Là aussi il faut l’accompagner. Un dirigeant charismatique exerce un pouvoir personnel sur les salariés de l’entreprise qu’il dirige. En revanche, auprès de ses N-1 au sein du comité de direction, il fait plutôt preuve d’autorité en se montrant très directif. Du coup, aux yeux de ses proches collaborateurs, il est beaucoup moins charismatique. Si on alloue un pouvoir statutaire au manager, c’est bien pour qu’il s’en serve. On compte sur lui pour « sortir des cartons rouges » quand ses collaborateurs « dépassent la ligne jaune ».

Le manager exerce son leadership sur des personnes sur lesquelles il exerce aussi un pouvoir statutaire. Le manager doit être capable de ne pas faire plaisir, de mettre des limites, de dire « non » et donc de frustrer,… Cela n’est pas forcément incompatible avec sa capacité à faire en sorte que ses collaborateurs prennent du plaisir en travaillant (un des quatre éléments de la mobilisation avec le sens, l’apprentissage et l’appartenance). Il lui faut être capable de faire les deux, parfois simultanément. Pour cela, il doit savoir utiliser son pouvoir statutaire sans en abuser et sans culpabiliser. Cela exige que l’exercice de l’autorité ne soit pas un problème pour lui, mais cela exige également une attitude différente de sa part face à la question du pouvoir.

En effet, il ne peut plus nier le pouvoir de ses collaborateurs et chercher à les en déposséder par tous les moyens possibles et imaginables.Son management passe moins par la limitation des degrés de liberté que par la capacité à exploiter la dynamique qui en résulte. Le manager qui développe son pouvoir personnel, tout en usant à bon escient de son pouvoir statutaire, est celui qui donne la possibilité à ses collaborateurs d’accroître leur pouvoir, souvent organisationnel, et d’utiliser ce dernier pour atteindre leurs objectifs et satisfaire leurs besoins. Le manager leader valorise le pouvoir de ses collaborateurs et, ce faisant, inscrit la relation de pouvoir non pas dans un jeu à somme nulle (ce que l’un gagne, l’autre le perd), mais dans un jeu à somme non nulle (in fine, les deux parties sont gagnantes).

En guise de conclusion

Accompagner le manager dans l’acquisition et le développement de ses compétences comportementales et relationnelles est une condition nécessaire mais pas suffisante pour l’aider à développer son leadership. Ces démarches font trop souvent abstraction des particularités du contexte dans lequel le manager exerce son leadership, en particulier du lien de subordination. Il faut alors compléter ses démarches en y introduisant les interactions entre pouvoir personnel et statutaire.

Pour un manager, développer son leadership commence par un diagnostic de ses ressources de pouvoir, de la compatibilité des unes avec les autres, de la nature des relations de pouvoir qu’il entretient avec chacun de ses collaborateurs. On voit ainsi très concrètement que, en matière de leadership, le détour par la notion de pouvoir n’est pas vain pour l’action.

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