Comment réguler les comportements au sein d’une organisation ?

Comment réguler les comportements au sein d’une organisation ?

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Dans un billet précédent, j’ai présenté de manière globale les 5 paramètres de conception d’une organisation en précisant que chacun d’eux était un couple de forces en tension à la fois complémentaires et antagonistes.

Le cinquième et dernier paramètre de conception concerne la régulation des comportements au sein de l’organisation. Il regroupe les deux forces en tension suivantes : régulation formelle et régulation informelle.

Organisations formelles et informelles

Au sein d’une organisation, la régulation des comportements peut prendre quatre formes très différentes. Une organisation peut par conséquent être formelle, plutôt formelle, plutôt informelle ou informelle.

Héritées des précurseurs du début du XXème siècle, les organisations formelles sont on ne peut plus mécanistes (voir mon billet sur les logiques mécaniste et organique). Les objectifs et la façon de les atteindre (activité à exécuter, comportements à adopter…) sont formalisés dans des règles, procédures, modes opératoires, définitions de poste… qui intègrent les spécificités des situations locales et qui, de ce fait, laissent aux personnes une autonomie extrêmement réduite. On y recherche d’abord et avant tout la conformité. L’informel existe par défaut. On ne lui reconnaît aucune valeur ajoutée et on le considère comme de la « non organisation ». Quelle que soit la situation, on cherche donc à conformer l’informel au formel et à réduire au maximum l’autonomie laissée aux entités opérationnelles.

Dans les organisations plutôt formelles, les objectifs, les processus et les fonctions sont formalisés mais seulement de manière générique. Une marge d’adaptation locale est laissée au « terrain » pour faire face de manière informelle à la variété des situations ou à leur imprévisibilité. On reconnaît ici une valeur ajoutée organisationnelle à l’informel mais seulement localement et à l’intérieur d’un cadre formel non négociable.

On dira qu’une organisation est plutôt informelle quand, seuls les buts et les objectifs à atteindre sont formalisés. Le reste de la régulation des comportements est issu des valeurs et des croyances de la culture, ce qui permet aux entités opérationnelles de bénéficier d’une autonomie substantielle. Le quantitatif est formalisé, notamment par des objectifs déclinés de la stratégie et fixés à chaque entité. En revanche, le qualitatif, en particulier quand il concerne les manières de faire et de se comporter, reste très largement informel. La culture d’entreprise, souvent très forte, constitue l’essentiel du ciment organisationnel.

Enfin, une organisation informelle est, par nature, organique (voir mon billet sur les logiques mécaniste et organique). Le cœur de la dynamique organisationnelle y est basé sur la combinaison et la recombinaison des compétences par l’intermédiaire de réseaux informels enchevêtrés. On ne formalise que par défaut, avec la plus grande des méfiances, quand on ne peut vraiment pas faire autrement et seulement quand on est persuadé de la valeur ajoutée pour les entités et leurs relations. Il n’y a pas d’organigramme, encore moins de définitions de fonction. Procédure est un mot banni du vocabulaire de l’entreprise.

La régulation formelle, qui favorise la standardisation et la conformité, permet un bon niveau de contrôle et de traçabilité

L’organisation formelle est une forme de régulation des comportements individuels et collectifs qui favorise la standardisation, la reproductibilité et la répétitivité, autant de moyens de diminuer les coûts de revient. De la même manière, la formalisation favorise l’atteinte de standards de qualité élevés grâce à la conformité, la normalisation et l’uniformité des comportements.

En outre, la formalisation permet un haut niveau de contrôle, traçabilité, sécurité et une bonne adéquation des compétences. Formaliser est également un excellent moyen de partager et de capitaliser des informations de manière à réaliser des économies d’attention et des gains de temps. Enfin, la formalisation rend possible la coordination entre entités qui ont besoin de travailler ensemble à travers des rôles et des instances transverses.

Mais la formalisation a aussi ses travers. Excessive, elle peut déboucher sur des formes de bureaucratie qui génèrent lourdeurs et complications. La dépersonnalisation à laquelle elle est alors associée renforce la passivité, la sclérose, le désengagement et produit, dans certains cas, un étouffement se manifestant par un manque de respiration et de vitalité.

Un trop plein de standardisation est synonyme de rigidité et de lenteur. L’organisation n’est plus capable de s’adapter aux évolutions de son environnement. Quant au conformisme et au conservatisme inhérents à un excès de formalisation, ils se traduisent par une incapacité à innover et à sortir des sentiers battus. L’organisation reproduit à l’identique mais n’est plus capable de se régénérer et de changer.

La régulation informelle favorise l’adaptabilité et la réactivité pour faire face à l’incertitude

La régulation informelle favorise la prise d’initiative et la spontanéité des comportements. Elle permet l’adaptabilité et la réactivité nécessaires pour faire face à l’incertitude et à l’imprévisibilité. L’informel est également propice au développement de l’innovation et de la créativité.

Par ailleurs, la personnalisation et l’humanisation du fonctionnement informel sont propices à l’épanouissement des membres de l’organisation et à l’optimisation de leur potentiel. On est considéré, non pas seulement comme une ressource, mais aussi comme une personne. L’informel fait une place aux affects alors que le formel cherche à les éradiquer.

Enfin,  la coopération et les ajustements mutuels entre pairs, sans l’intervention d’un tiers externe à la collaboration, sont les seuls moyens de faire face à un niveau de complexité élevé lié à un nombre d’entités important devant interagir de manière rapide et peu prévisible. L’adaptabilité et la réactivité passent nécessairement, à un moment donné, par l’informel.

En revanche, un trop plein d’informel et ainsi un déficit de formalisation débouchent sur un manque de capitalisation et de mémoire organisationnelle : on réinvente la roue pour un oui ou pour un non. Le fonctionnement devient « personne dépendant ». Les jeux politiques, le contrôle de zones d’incertitude et les monopoles organisationnels génèrent alors des blocages organisationnels préjudiciables à la fois à l’efficacité et à l’efficience.

La forte hétérogénéité, variabilité et instabilité des interactions se traduisent par un manque de repères pour tout le monde. Le fonctionnement « anarchique » qui en découle produit un niveau de désordre organisationnel néfaste à la sérénité et à la performance. Le manque de conformité peut également générer un niveau de qualité variable et insuffisant au regard des standards attendus.

Cet article est un extrait de mon ouvrage “L’organisation en mouvement. Adopter le changement permanent” accessible en cliquant ici.

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