Le principe de la contingence postule que, en matière de management et d’organisation, l’idéal n’est pas de ce monde. Chaque organisation et mode de management présente des avantages et des inconvénients au regard d’un contexte particulier et d’une intention spécifique.
L’accompagnement du changement n’échappe pas à la règle. On peut distinguer 5 grandes manières d’accompagner le changement qui correspondent à des degrés de maturité croissante mais qui sont également plus ou moins adaptées à des contextes et des enjeux différents.
Premier temps : le changement bricolé
Jusque dans les années 1980, dans la plupart des secteurs d’activité, le changement était relativement rare. On changeait pour s’adapter à une évolution significative de l’environnement (l’arrivée d’un nouveau concurrent, une nouvelle technologie, une modification réglementation substantielle…). Ces dernières étaient peu fréquentes et, surtout, encadrées par de longues périodes de stabilité.
Tant que le changement reste exceptionnel, il ne constitue pas un véritable sujet d’investissement pour les entreprises. Il n’y a pas lieu de se doter de méthodes et d’outils dédiés. On le gère par défaut en se débrouillant avec les moyens du bord. Ce n’est ni très efficace ni très efficient mais cela n’est pas trop grave dans la mesure où le changement reste exceptionnel et relève du régime de l’exception.
Aujourd’hui, même s’ils sont de plus en plus rares, certains secteurs d’activité continuent à présenter ces caractéristiques. On continue à y accompagner le changement en bricolant sans que cela ne soit véritablement problématique.
Deuxième temps : la professionnalisation du changement
Puis, le rythme du changement s’est accéléré. A partir des années 1990, dans une économie globalisée, le changement est devenu beaucoup plus fréquent. Suffisamment en tout cas pour devenir un objet de management à part entière. Une nouvelle discipline, complémentaire à la gestion de projet, prend alors son envol : le management du changement.
Les méthodologies varient mais mettent toutes l’accent sur un certain nombre de fondamentaux : créer un sentiment d’urgence ; donner du sens (la direction et la signification) à travers une vision ; s’appuyer sur des alliés ; créer une dynamique pour mettre l’organisation en mouvement ; ancrer les nouveaux comportements et les nouvelles pratiques pour éviter les effets néfastes des mouvements régressifs ; etc.
Les méthodes et les outils de management du changement existent (voir mon billet consacré à la boîte à outils de la conduite du changement) mais ils sont encore pour beaucoup dans les mains des cabinets de consultants. La plupart des entreprises externalisent alors leurs démarches de changement. Elles ne possèdent pas les compétences pour les conduire en interne. Nombre d’entreprises sont encore aujourd’hui dans un environnement qui leur permet de « sous-traiter » leurs projets de changement à des prestataires externes.
Troisième temps : l’internalisation du changement
Au début du XXIème siècle, le changement devient suffisamment fréquent pour qu’il soit légitime que les entreprises acquièrent des compétences pour l’accompagner. La fonction d’accompagnement du changement est internalisée et partagée entre les spécialistes des directions dédiées et les managers tout au long de la ligne hiérarchique.
Les entreprises se dotent alors d’une structure dédiée à la transformation directement rattachée à la direction générale ou logée au sein de la DRH ou de la DSI (on voit par exemple se multiplier les DRHT, Direction des Ressources Humaines et de la Transformation). L’accompagnement du changement devient une mission explicite des DRH. En parallèle, elles mettent en place de larges programmes de formation à destination de leurs managers hiérarchiques en charge de l’implémentation des changements.
Quatrième temps : le changement permanent
Le début des années 2010 est le théâtre d’une nouvelle accélération du rythme du changement, notamment avec le développement du numérique. Dans certains secteurs d’activité, le rythme du changement est dès lors tellement rapide que sa périodicité est plus courte que la durée de sa mise en œuvre. On n’a pas terminé un premier changement qu’il faut déjà en amorcer un second.
Un pas est alors à nouveau franchi quand certaines entreprises se dotent d’une double structure (une face centrée sur le « run », l’autre sur le « build ») pour produire en changeant et pour changer en produisant (voir mon billet sur la double structure). Cela se traduit concrètement par le fait que (1) le changement est l’affaire de tous au sein de l’entreprise (et plus seulement d’une structure dédiée qui en a la charge et la responsabilité) et que (2) il est intégré au travail à part entière et plus seulement appréhendé comme une contribution épisodique qui vient se surajouter à l’activité quotidienne.
Cinquième temps : le changement engrammé
Aujourd’hui, et cela n’est pas prêt de s’arrêter, non seulement le rythme du changement est rapide mais, en plus, il est devenu continu et permanent. Dans un nombre de secteurs d’activité de plus en plus important, pour survivre, non seulement il faut innover régulièrement mais, en plus, il faut s’adapter rapidement à des évolutions peu prévisibles. Ce ne sont plus seulement les projets de développement informatique qui doivent être agiles mais l’ensemble de l’organisation.
Du coup, le changement cesse d’être un problème de management pour devenir une question d’organisation. Les organisations doivent être conçues pour produire et, en même temps, pour changer. Qu’elles soient reconfigurables, en réseau (voir mon billet sur la structure en réseau) ou encore cellulaires (voir mon billet sur l’organisation cellulaire), ces organisations visent moins la combinaison d’unités la plus alignée à un projet stratégique donné que la capacité à combiner et recombiner leurs unités en fonction de l’évolution d’enjeux stratégiques éphémères et évolutifs.
Des temps (et des rythmes) différents en fonction des secteurs d’activité
Ces cinq temps sont apparus à des moments différents de l’histoire de l’accompagnement du changement : années 1980, 1990, début 2000, 2010 et aujourd’hui. En ce sens, on peut dire qu’ils correspondent à des stades de maturité croissants en matière d’accompagnement du changement.
Mais ces temps sont avant tout liés au degré d’incertitude et de turbulence d’un environnement donné. Cela explique pourquoi, au sein de certains secteurs d’activité encore relativement stables, les entreprises ont toujours des pratiques d’accompagnement du changement qui relèvent du temps 1 ou 2 sans que cela ne soit vraiment problématique.
Dans le monde actuel, il y a en revanche peu de chance que le degré d’incertitude et de turbulence de leur environnement diminue. Du coup, elles doivent se préparer à faire évoluer leurs pratiques vers des degrés de maturité supérieurs : vers le temps 3, voire le temps 5, parfois sans passer par la case du temps 4.
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On parle énormément de ce changement “agile” qu’on vit actuellement, et en effet c’est une composante que chacun doit intégrer petit à petit.
Faut-il pour autant attendre que la génération des millenials remplace celles de leurs aînés ? non bien sûr, les gens de 40 ans et plus sont tout à fait à même de comprendre ces changements, et s’y adapter. Pour cela, il convient d’avoir des managers intermédiaires qui savent bien les accompagner, ce sont eux qui sont au coeur de la machine dans ce process.